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Des enfants chez les sous-traitants de Samsung ?
jeudi, 17 décembre 2015 / Amélie Mougey

Se poser en modèle d’entreprise responsable tout en continuant à se faire épingler pour violation des droits du travail. Pour dénoncer ce grand écart, des ONG traînent Samsung devant les tribunaux.

La page Internet « Valeurs et philosophie » de Samsung a de quoi donner une bouffée de fierté aux clients de la marque. Interdiction de « l’esclavage des enfants », « du travail forcé », « de l’exploitation salariale », respect « des lois et des standards éthiques » nationaux et internationaux en matière « de santé et de sécurité » : le leader mondial des téléphones mobiles et smartphones coche toutes les cases de « l’entreprise responsable » qui œuvre pour « une meilleure société mondiale ». Dès 2011, le groupe s’est même doté d’un code de conduite. Le document, qui se veut contraignant, est particulièrement ambitieux puisqu’il doit s’appliquer à tous « les salariés et filiales ». Ces paroles seraient même suivies d’effets si l’on en croit le « rapport de durabilité 2014 » du groupe (ici en pdf). Celui-ci fait état de contrôles réalisés chez une centaines de fournisseurs en Chine et conclut qu’« aucun cas de travail d’enfants n’a été trouvé ».

Le satisfecit surprend beaucoup China Labor Watch (CLW), une association de défense des droits des travailleurs en Chine. « En inspectant une centaine de fournisseurs, Samsung n’a trouvé aucun enfant. Chez un seul fournisseur, CLW a découvert plusieurs enfants, sans contrats, travaillant 11 heures par jour », s’étonne l’ONG dans un communiqué. Ces résultats sont le fruit d’une opération d’infiltration menée en juin dans les usines de Shinyang Electronics, fournisseur de coques de téléphone pour Samsung. « Au troisième jour d’investigation, nous avions déjà trouvé cinq enfants de moins de 16 ans (l’âge minimal pour travailler en Chine, ndlr)  », indique l’ONG qui répertorie quinze autres types de violations du droit du travail – national ou international – allant de volumes horaires trois fois supérieurs à la limite légale chinoise à l’absence totale de protection sociale. Malgré la mise en ligne des conclusions de ce rapport, la communication du groupe Samsung France n’a pas souhaité commenter au motif de « ne pas disposer de suffisamment d’informations » sur ce qui lui est reproché.

« On fabrique des produits ultra-modernes dans des conditions proches du Moyen-Age », résume Arnaud Faucon, secrétaire national d’Indécosa, l’association de défense des consommateurs de la CGT. Aux côtés de l’ONG Sherpa, son association a déposé une citation directe à comparaître visant Samsung Electronics France et Samsung Monde. Leur angle d’attaque ? Le « grand écart inacceptable entre les engagements affichés et les pratiques du groupe », précise Marie-Laure Guislain, responsable du contentieux chez Sherpa. Samsung n’est donc pas poursuivi pour violation des droits humains mais pour « pratiques commerciales trompeuses ». « Dans le cadre de cette procédure, les victimes sont les consommateurs, précise Marie-Laure Guislain. Nous attendons de la décision du tribunal de Bobigny qu’elle leur donne plus de droits pour que, lorsqu’ils lisent des engagements éthiques, ils puissent être assurés de leur fiabilité. »

Plaider au nom du consommateur plutôt qu’en celui de l’ouvrier exploité ? A l’heure actuelle, cette stratégie est la seule à la portée des ONG. « Ce type de cas traduit un vide juridique : les échanges commerciaux à l’échelle planétaire n’ont cessé d’augmenter sans que les besoins de régulations soient pris en compte », déplore Laetitia Liebert, directrice générale de Sherpa. Pour pallier ce manque, une proposition de loi sur le « devoir de vigilance des multinationales » fait la navette au parlement français. Après un rejet par le sénat le 18 novembre, elle devrait repasser à l’Assemblée nationale au début de l’année 2016. « Les pressions sont fortes pour amoindrir la porté du texte, précise Laetitia Liebert. Mais on a bon espoir que la raison l’emporte. »

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