https://www.terraeco.net/spip.php?article62670
|
COP21 : où sont les parlements ?
vendredi, 27 novembre 2015
/ Arnaud Gossement / Avocat, spécialiste du droit de l’environnement. |
Les négociations de la COP21 sont de la compétence quasi exclusive des gouvernements et des administrations nationales et internationales. Ce qui n’est pas sans conséquences pour la réussite des débats, selon l’avocat Arnaud Gossement.
Arnaud Gossement est avocat, docteur en droit et enseignant à l’université Paris I.
Ce 25 novembre 2015, l’Assemblée nationale a adopté une résolution « pour accéder, au delà de la COP21, à une société bas carbone » Ce texte n’a qu’une valeur déclarative mais est intéressant en ce qu’il a permis aux quelques députés présents de tenter de « compenser » l’absence de débat à l’Assemblée sur la stratégie nationale bas carbone, qui constitue pourtant la feuille de route de la France en matière de lutte contre le changement climatique. Lors de l’examen de cette résolution, le député Arnaud Leroy a pu déclarer : « Je veux aussi insister sur le rôle des parlements – et il est bien dommage que nous soyons si peu nombreux ce soir pour discuter de la stratégie bas carbone de notre pays. Vous l’avez souligné à plusieurs reprises, madame la ministre : les modalités d’élaboration du texte font débat. Nous, représentants des peuples, ne pouvons plus rester en dehors des négociations ou être de simples visiteurs au sein d’une délégation, car les accords qui vont en résulter impacteront de plus en plus le mode de vie des peuples, et par conséquent les libertés individuelles à travers le monde. À cela s’ajoute l’effet multiplicateur des changements climatiques, donc les changements que nous devrons nous-mêmes mettre en œuvre. » Cette déclaration traduit un vrai malaise : les élus sont très peu associés au fond des négociations sur le climat et, en retour, s’en désintéressent au sein de l’hémicycle. Cette résolution est donc passée largement inaperçue et a suscité bien moins d’attention que n’importe quelle déclaration de tel ou tel ministre sur le même sujet.
Il est un fait que la formation du droit international en général et les négociations sur le climat en particulier sont principalement du ressort des gouvernements et de leurs administrations. La mise à l’écart des élus est généralement justifiée par l’argument, assez contestable, selon lequel la technicité, le rythme et la souplesse des négociations internationales ne permettraient pas de les associer plus étroitement. Cette situation pose un problème démocratique : le rôle de nos élu(e)s est réduit au soutien ou à la critique du gouvernement lors des questions au gouvernement ou à l’expression d’avis et à la ratification de ce qui aura été négocié sans eux ou presque. Il est temps de procéder ici à une réforme institutionnelle, non pas simplement pour rééquilibrer les pouvoirs du gouvernement et du Parlement mais bien pour assurer la réussite des négociations climatiques et de la transition énergétique. Car cette situation n’est pas sans conséquences. S’agissant des régimes démocratiques, les gouvernements et leurs administrations ne peuvent en principe pas engager seuls les Etats. On se souvient ainsi que le Congrès des Etats-Unis a repoussé la ratification du protocole de Kyoto pourtant signé en 1997 par l’administration Clinton. De même, les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre publiés depuis la conférence de Lima de décembre 2014 engagent les actuels gouvernements, pas nécessairement leurs représentations nationales. Outre cette difficulté juridique qui compromet la possibilité pour la COP21 d’aboutir à un « accord juridiquement contraignant », il existe également une difficulté politique.
Chacun convient en effet que la lutte contre le changement climatique suppose une mobilisation des citoyens la plus large possible. Quelle que soit la qualité du travail réalisé par les ONG et les entreprises qui seront présentes au Bourget, les parlementaires sont de précieux relais pour associer et mobiliser les citoyens et acteurs économiques locaux. Il serait donc utile de ne pas les borner à auditionner ou accompagner les ministres qui représenteront la France à cette occasion. Le Parlement, notamment français, devrait pouvoir donner mandat au pouvoir exécutif, suivre les négociations, contrôler le résultat à la sortie et débattre de ses suites. Par ailleurs, de la même manière que des parlementaires siègent au Conseil national de la transition écologique, il serait utile que la stratégie nationale bas carbone soit débattue au Parlement et qu’une instance de contrôle et de suivi continu des négociations permette à des députés ou sénateurs désignés par leurs pairs de peser réellement et au fond sur les choix et options qui sont défendus par le gouvernement.
Cette démocratisation des négociations internationales et nationales sur le climat est aussi un enjeu essentiel de l’après-COP21.
A lire aussi sur Terraeco.net :
Industrie, agriculture ou bâtiment ? En France, qui va devoir émettre beaucoup moins ?