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J’ai testé : la monnaie locale
mercredi, 25 mars 2015 / www.clairelenestour.com

A Montreuil, j’ai converti mes euros en Pêches pour booster l’économie de proximité et soustraire mon pécule au système bancaire. « Time is money » (locale).

Evacuons d’emblée les malentendus. Alors que je lui racontais ma vie, une amie m’a sorti que faire ses courses avec un sac de pêches n’était pas pratique et « pas de saison ». Les habitants de Montreuil, à l’est de Paris, ont baptisé leur monnaie en référence aux murs à pêches qui envahissaient jadis la ville. Mais les Pêches que j’ai utilisées sont en papier, comme au Monopoly ! Enfin, presque. Les billets de 1, 2, 5, 10 et 20 Pêches troqués contre 50 euros ont leur système de sécurité argenté et même des inscriptions en braille.

Je m’étais promis d’arrêter l’euro pendant dix jours. J’ai revu mon ambition à la baisse face à la liste des enseignes acceptant mes Pêches : deux magasins bios, une boulangerie, une boucherie, un vendeur d’électroménager, une librairie, un fleuriste, une pizzeria, une boutique de déco et des revendeurs d’articles d’occasion. Depuis 2010, une trentaine de monnaies locales ont germé en France. La Pêche, elle, n’a que six mois, elle doit encore faire ses preuves auprès des commerçants.

Je commence par des investissements modestes : des pâtes et de la farine pour 3 euros et des poussières. A la caisse, une pancarte « Ici on a la Pêche » me saute aux yeux. J’ai bien fait d’emporter quelques euros, indispensables pour faire l’appoint. Les choses se corsent dans la deuxième boutique. « Ce n’est pas fréquent, alors j’oublie chaque fois comment on fait », panique un vendeur face à mon billet. Les Pêches s’encaissent comme des chèques-cadeaux réutilisables. La monnaie locale rend ainsi à l’argent sa fonction d’unité d’échange, loin des délires spéculatifs.

J’ai besoin de collants, de chaises pliantes et d’une poêle. Ma quête commence à la librairie (logique…), où je dégotte un livre à 9,95 euros. Je dégaine mon billet de 10 Pêches, avec le sourire de quelqu’un qui sollicite un paiement en 20 fois sans frais. « Oui, oui, je les prends. L’euro, c’est has been, sourit un vendeur taquin. Mais je ne peux pas vous rendre la monnaie. » Petit point maths : une Pêche vaut un euro. Si le libraire convertit ses Pêches pour récupérer des espèces sonnantes, il perdra 5% de leur valeur, reversés à des associations locales. Dix Pêches lui rapporteront 9,95 euros. Opération nulle, donc !

Nouveaux billets, nouveaux clients

Idéalement, les commerçants devraient réinjecter les Pêches dans le réseau pour favoriser la richesse locale. Dans les faits, c’est plus compliqué. Ils ne peuvent pas verser le salaire de leurs employés en monnaie locale et leurs fournisseurs ne sont pas tous au parfum. « J’ai payé une ou deux personnes en Pêches, pas plus », déplore la gérante d’un dépôt-vente d’objets pour enfants. Moi, j’aurais accepté ses Pêches, mais je n’ai pas de vêtements d’enfants à lui vendre… A Emmaüs, je pourrais refaire ma garde-robe si ma penderie n’affichait pas complet. A la Collecterie, où on retape des objets abandonnés, il y a de tout, sauf des chaises pliantes. Quant à la boutique d’électroménager, ils ont des frigos, mais pas de poêles. Faire ses courses en Pêches prend du temps, et fait économiser de l’argent.

Au diable les collants, la poêle et les chaises, je n’ai plus qu’une idée en tête : casser mon billet de 20 car on me répond partout où je vais : « On peut rendre la monnaie en Pêches, mais on n’a pas assez de change. » J’abats ma dernière carte : une boulangerie où je n’ai jamais mis les pieds. Avec la monnaie locale, les commerçants attirent de nouveaux clients. La boulangère encaisse les Pêches comme des petits pains ! A tel point que j’y casse easy mon billet et m’attire sa sympathie. Je ressors de bonne humeur avec une vingtaine de Pêches en petites coupures. Certaines monnaies locales perdent de leur valeur à intervalles réguliers pour inciter les consommateurs à les faire circuler. La Pêche, non. Je range donc mes billets en attendant l’arrivée de nouvelles boutiques dans le réseau. Fourmi, moi ?



Monnaies lo-quoi ?

Les monnaies locales complémentaires : pourquoi, comment ? de Philippe Derudder (Yves Michel, 2014). A lire pour se mettre au clair sur les bases et plonger dans l’histoire des monnaies locales passées et actuelles.

Dénicher ses pépètes locales

Les projets de monnaies locales, voire les projets de projets… Toutes les initiatives de France et de Navarre sont référencées sur un site Internet

Créer ses propres billets

Créer une monnaie locale prend du temps et pas mal de matière grise. Il faut réfléchir aux conditions d’utilisation et faire beaucoup de pédagogie. C’est le secret des devises qui marchent !