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« A nos amis », essai saisissant
mercredi, 25 février 2015
/ Simon Barthélémy
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Par Le Comité invisible, La Fabrique, 250 pages, 10 euros.
L’insurrection est venue, comme le prédisait le Comité invisible (1). Mais, des places Taksim (Istanbul) et Tahrir (Le Caire) à la Puerta del Sol (Madrid), elle n’a pas vaincu. Et ce n’est pas l’arrivée au pouvoir de Syriza qui, pour ce collectif d’autonomes, change la donne en Grèce, où « l’une des plus vastes offensives de notre parti (…) a été repoussée, à coups de dettes, de peines de prison démesurées et de faillite généralisée ». Manquait une « idée substantielle de ce que serait une victoire », selon les auteurs anonymes de cet essai lucide et brillant, que l’on adhère ou pas au message. Ils tentent d’apporter leur pierre à l’édifice, celui d’une révolution mondiale, qui en 2015 se réfère moins aux bolcheviques russes qu’aux mouvements zapatistes ou aymara d’Amérique latine. Des luttes à la fois porteuses d’une éthique universelle, le bien-vivre, privilégiant les liens entre les hommes et le respect de la nature, et enracinées localement. « La Commune revient », soulignent les érudits auteurs anonymes, qui ne renvoient pas seulement au Paris de 1871, mais aussi à la révolte communaliste du Moyen Age, au moment où « l’Etat et la bourgeoisie s’effacent comme force historique » : « Dans le chaos du XIe siècle en France, la commune, c’est se jurer assistance, s’engager à se soucier les uns des autres et à se défendre contre tout oppresseur. » Loin de cultiver le fétichisme de la violence – « pacifistes et radicaux » sont renvoyés dos à dos –, le Comité célèbre la joie manifestée par les participants à ces combats, à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) ou à Rio (Brésil). Dégagés de toute doctrine « de gauche », les révolutionnaires « n’ont pas à convertir la population depuis l’extériorité creuse d’on ne sait quel ‘‘projet de société’’. Ils doivent plutôt partir de leur propre présence, des lieux qu’ils habitent ». Et ne pas se préoccuper seulement d’institution : « Tant que nous ne saurons pas comment nous passer des centrales nucléaires et que les démanteler sera un business pour ceux qui les veulent éternelles, aspirer à l’abolition de l’Etat continuera de faire sourire (…). Il nous faut aller à la rencontre (…) de ceux qui disposent des savoirs techniques stratégiques. »
Indispensable transition du système
Ici réside peut-être un hiatus pour les anars du Comité invisible, dont le désir légitime de ne pas substituer une machine techno-politique à une autre se heurte à l’indispensable transition du système. Dans sa foi nietzschéenne en la capacité d’auto-organisation des individus, il moque ainsi les tentatives de gestion par la démocratie participative, du mouvement des places ou des « biens communs », qui cherchent pourtant aussi un autre chemin. —
(1) Auteur de L’insurrection qui vient (La Fabrique, 2007)
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