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La vie rêvée des Anges gardins
mercredi, 25 février 2015
/ Adélaïde Robault
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Dans le Pas-de-Calais, cette association s’est fixé pour mission de redonner à tous les moyens de se nourrir.
« Ce n’est pas parce qu’on est pauvre qu’on doit bouffer de la merde ! » Dominique Hays ne mâche pas ses mots quand il évoque la raison d’être des Anges gardins : rendre aux plus modestes leur « citoyenneté alimentaire » en leur redonnant les moyens de se nourrir malgré la crise et la disparition des traditions culinaires. Née dans le Nord – un gardin est un jardin en chti – et implantée à Vieille-Eglise (Pas-de-Calais), l’association expérimente depuis 2011 un modèle alimentaire bio, solidaire et équitable. Fondé sur le partage des connaissances, il permet de travailler, de manger sainement et par ricochet d’être en bonne santé grâce à l’agriculture bio. Sur le terrain, on trouve des chantiers participatifs d’agroforesterie et de compostage ; des ateliers d’éducation alimentaire et une activité d’insertion professionnelle en collaboration avec Terre d’opale, l’exploitation bio voisine. Ce programme a été nourri par la visite, dans les années 1990, des potagers communautaires du mouvement Green Guerillas, à New York, aux Etats-Unis. « On a pris ça en pleine gueule ! Dans le Bronx, les habitants jardinaient d’abord pour se nourrir », se souvient Dominique Hays, désormais directeur de l’association. Alors, si cultiver des tomates est possible dans le Bronx, pourquoi pas dans le Nord-Pas-de-Calais, une région qui cumule aussi un fort taux de chômage et des conditions sanitaires dégradées par la pauvreté ?
En lasagne et en carré
Dominique Hays n’a rien oublié du jardin ouvrier de son père mais regrette qu’on ait « raté la vocation alimentaire » des jardins partagés en France. Pour rectifier ce virage mal pris, les Anges ont créé un réseau d’ambassadeurs du jardinage et du bien-vivre alimentaire. Leur mission ? Donner les ficelles pour cultiver et cuisiner douze légumes de base, sans expérience et presque sans terrain, à un public d’animateurs et d’éducateurs. A eux ensuite de transmettre ce savoir-faire auprès des jeunes ou des personnes en situation de précarité. « La culture en lasagne et en carré, c’est génial ! On gagne en place et en productivité », confirme Yolaine Vanraet, pourtant pas novice en la matière. L’ex-infirmière en psychiatrie cultive déjà des légumes bios pour son petit restaurant mobile, logé sur un vélo. Le stage lui a permis de créer des ateliers dans des centres sociaux, pour « redonner le goût de cuisiner à des gens modestes, parfois isolés, mais sans intellectualiser, sans passer pour une donneuse de leçons ». Et les Anges ont même compilé leur savoir-faire dans le Manuel des jardiniers sans moyens et le Manuel de cuisine pour tous, ouvrage d’économat domestique et de recettes pour manger « bon, sain, facile et pas cher » (1). A Vieille-Eglise, on a aussi choisi d’amener la démocratie dans l’assiette en rendant accessibles les fruits et légumes biologiques produits localement. Du bio justement, Sylvie Crepin, ancienne animatrice de 49 ans, n’en mangeait jamais. Trop cher. Signer un contrat d’insertion avec une entreprise associée aux Anges gardins lui a permis de bénéficier d’un panier de légumes à prix solidaire, 2 euros au lieu de 9, produit par Terre d’opale. Elle a aussi participé à des cours de cuisine : « J’ai appris plein de petits trucs pour améliorer mes plats et éviter le gâchis alors que, d’habitude, je mange des pâtes. » De quoi casser la routine et redevenir attentive à son alimentation.
Côté projet, 2015 sonne l’heure de la chasse au gaspi ! L’association lance son programme « Je sauve les restes » et prépare un livre participatif d’astuces pour cuisiner les épluchures. En plus de former des ambassadeurs en Ile-de-France, Dominique Hays voudrait convaincre les universitaires de se pencher sur le système économique local testé par l’association pour imaginer son développement à grande échelle. L’enjeu est national : la France compte 8 millions de personnes sous le seuil de pauvreté pour qui bien se nourrir est un défi quotidien. —
(1) A télécharger gratuitement sur le site de l’association
Impact du projet
13 emplois permanents créés
48 personnes en contrat d’insertion
180 ambassadeurs formés
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