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A financer : le sauvetage de notre biodiversité alimentaire
mardi, 23 décembre 2014
/ Amélie Mougey
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En un siècle, les trois quarts des végétaux comestibles ont disparu de la circulation. Pour stopper ce déclin, plusieurs associations ont lancé une opération de sauvetage articulée autour du don et de la formation de jardiniers.
Un peu d’épinard-fraise avec votre chapon ? Non, le casse-tête des menus de Noël n’a pas conduit nos cerveaux en surchauffe à inventer de nouveaux aliments. Le légume existe bel et bien, sauvé de justesse par un amoureux des variétés anciennes. Pour permettre à 150 curiosités du genre de refleurir dans nos jardins, plusieurs associations ont lancé, le 27 novembre dernier, une opération de « sauvegarde des variétés potagères et fruitières menacées », baptisée Graines de vie et basée sur la formation de quelque 10 000 jardiniers.
« On mange des aliments creux »
L’enjeu dépasse la quête d’aliments insolites. Tandis que nos arrière-arrière-grands-mères avaient le choix entre 500 variétés de légumes, aujourd’hui seuls quelques dizaines de rescapés se relaient avec monotonie dans nos assiettes. « On a perdu 75% des espèces comestibles sur le siècle dernier », s’alarme Philippe Desbrosses, chercheur en sciences de l’environnement à l’origine de l’initiative. Frôlant l’obésité, nos frigos n’en semblent pas affectés. Sauf à se pencher sur la qualité. « Pour retrouver les apports nutritionnels d’une pêche des années 1950, il faudrait manger 26 pêches cultivées aujourd’hui », poursuit le président de l’association Intelligence verte. Conséquences des hybridations successives réalisées par les grands semenciers, « aujourd’hui, on mange des aliments creux », résume-t-il. La collecte lancée sur le site de financement participatif KissKissBankBank – l’objectif s’élève à 54 000 euros – doit impulser le retour de cette richesse alimentaire. Le plan de bataille de l’opération ? Miser sur un vide juridique et une armée de jardiniers.
Car l’origine de l’extinction est avant tout législative. « Pour l’administration, toute espèce qui n’est pas recensée n’a pas le droit d’exister », souligne Philippe Desbrosses. Or, l’inscription au catalogue des semences est un processus long et coûteux, devenu quasiment l’apanage des industriels. « La règlementation qui devait protéger les variétés nouvelles est devenue une interdiction des variétés anciennes », déplore le chercheur.
Gratuité et réciprocité
Infatigable défenseur de la biodiversité, l’homme traque depuis quarante ans les graines oubliées aux quatre coins du globe. Son but ? Reconstituer une diversité qu’il conçoit comme « garante de notre sécurité alimentaire ». Mais faute de pouvoir être commercialisés, ses trésors dorment dans une ferme de Sologne. Seule solution pour favoriser leur propagation : le don. « On mise sur la gratuité et la réciprocité », précise-t-il. Dans le cadre de l’opération Graines de vie, la ferme distribuera ses semences à 200 jardiniers recrutés auprès d’association partenaires, comme les Jardins de Cocagnes, ou les Incroyables Comestibles. Un cadeau que les partenaires accueillent à bras ouvert. « L’association Kokopelli nous fournit déjà beaucoup en variétés anciennes, mais comme notre mouvement s’étend – désormais à 400 villes et villages – nous avons des besoins croissants », explique Jean-Michel Herbillon, cofondateur de la branche française des Incroyables comestibles.
Une fois les graines dispatchées, reste à les multiplier. « La reproduction des semences est un exercice complexe », reconnaît Jean-Michel Herbillon. Pour dépasser cette difficulté, un tiers de l’argent collecté financera la reproduction de semences au sein même de la ferme solognote de Philippe Desbrosses, tandis qu’un second tiers sera consacré à la formation des 200 jardiniers ambassadeurs. En contrepartie, chacun s’engagera à son tour à transmettre ce savoir-faire à 50 jardiniers. Pour élargir la diffusion, le dernier tiers de la cagnotte est destiné à l’élaboration et la mise en ligne gratuite de vidéos pédagogiques, réalisées par l’association Sikana, une université libre des savoir-faire en ligne. « Avec les 13 millions de jardiniers français, le mouvement a toutes les chances d’essaimer », se réjouit déjà Philippe Desbrosses.
Pour participer à la campagne de financement participatif (jusqu’au 5 février), c’est ici