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L’abécédaire de la Conférence environnementale
vendredi, 28 novembre 2014 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

, / Amélie Mougey

Riche pour certains, désordonné pour d’autres, ce rendez-vous annuel brasse concepts et enjeux. A défaut d’être exhaustifs, laissez-nous vous la raconter en mots-clés.

- C comme Charbon

« Nous supprimerons tous les crédits à l’exportation dans le soutien que nous accordons aux pays en développement dès lors qu’il y a utilisation du charbon », a précisé François Hollande dans son allocution matinale. De quoi planter un sourire sur le visage des ONG, notamment celui du WWF ou des Amis de la Terre, qui appelaient à la fin de ces subventions depuis bien longtemps. Car si la France est vertueuse chez elle (seuls 3,6% de son électricité voit le jour dans les centrales à charbon), elle continue de soutenir le développement de cette filière fort polluante à travers son agence de crédits à l’exportation, la Coface, ou via les banques multilatérales dans lesquelles elle siège (voir notre article). « C’est une annonce bienvenue. Ça nous permet d’avoir plus de cohérence sur notre action extérieure », a souligné Yannick Jadot, eurodéputé Europe Ecologie – Les Verts (EELV) au sortir de sa table ronde.


- D comme Désorganisation

Ce mot-là c’est dans la bouche des acteurs de la société civile et des médias qu’il est le plus revenu. Souvent d’ailleurs, dans une version moins châtiée. Reportée d’octobre à décembre, changée dans sa forme (d’abord prévue en trois colloques étalés sur plusieurs mois, elle a finalement été condensée sur deux jours), la Conférence environnementale a semblé jusqu’au dernier moment bien mal préparée. La veille de sa tenue, le service de presse était encore bien incapable de confier le nom des participants aux tables rondes, la liste n’ayant pas encore été bouclée. Sur place, même impression : des discours commencés en retard, un wifi défaillant à l’Elysée, du son mais pas d’image pour la retransmission dans la salle de presse…


- E comme Exemplarité

L’exemplarité de l’Etat était l’un des grands axe de la table ronde sur la préparation à la COP21. Mais une confession de Manuel Valls donne une idée du chemin à parcourir. Au moment de changer de voiture de fonction, le Premier ministre a découvert « qu’elle était entièrement diesel ». Pour faire évoluer les pratiques, il a annoncé qu’un « Plan d’action “administration exemplaire” devait être présenté au gouvernement en début d’année ». Autre levier mentionné : « Favoriser une restauration collective de qualité ». En gros, inciter les collectivités à servir du bio dans les cantines. Pour Denez L’Hostis, la marge de manœuvre est plutôt du côté du patrimoine immobilier de l’Etat : « Si l’on ne prend que les universités et le logement étudiant, on à 18 millions de m2 à rénover pour améliorer la performance énergétique. C’est à ça qu’on doit s’attaquer », estime le président de FNE.


- E comme Exposome

Mention spéciale pour ce substantif à la sonorité poétique. En fait, la notion est née en 2005, dans la bouche d’un chercheur anglais. Par analogie avec le génome, l’« exposome » désigne les « expositions environnementales enregistrées sur toute une vie (y compris les facteurs liés au mode de vie) et ce, dès la période prénatale ». Entré sous l’impulsion des associations dans la troisième mouture du Plan national santé environnement, ce concept doit permettre d’en finir avec la logique qui veut qu’à chaque source de pollution on fixe un plan d’action. Il est revenu sur le devant de la scène ce jeudi. « [La ministre de la Santé] Marisol Touraine a évoqué le fait qu’on pourrait faire référence à cette notion dans la nouvelle loi sur la santé [qui entrera en discussion à l’Assemblée début 2015] », souligne Justine Roulot, chargée de mission pour Humanité et Biodiversité. Puisque la rédaction du projet de loi est déjà bouclée, c’est par le biais des amendements que la notion pourrait se faire une petite place au cœur du texte.


- F comme France Télévisions

France Télévisions diffusera des émissions sur les enjeux énergétiques et climatiques en prime time dès 2015. C’est l’annonce de Fleur Pellerin, à l’ouverture de la table ronde Mobilisation nationale vers la COP21 sur les enjeux du climat et de la biodiversité, en ce vendredi matin. Une revendication réclamée par plusieurs associations dont la Fondation Nicolas Hulot depuis fort longtemps. Car le cahier des charges de la chaîne publique prévoit explicitement dans son article 7 « la diffusion, à des heures de large audience, notamment en première partie de soirée, de programmes scientifiques et d’éducation au développement durable ». Un engagement jamais tenu « depuis Home (le film de Yann Arthus-Bertrand, ndlr) en 2009 », a regretté Matthieu Orphelin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot.


- G comme Grande cause nationale

L’info avait déjà fuité aux portes de la table ronde n°1. Le Premier ministre, Manuel Valls, l’a confirmé dans son discours de clôture : « Pour soutenir les initiatives de la société, pour mobiliser tous les acteurs publics, j’ai décidé que la lutte contre le dérèglement climatique serait déclarée grande cause nationale de l’année 2015. La conférence internationale de décembre marque un rendez-vous que nous devons anticiper dès à présent. » Le climat à l’honneur ? « C’est la première fois que c’est le cas depuis 1977 », date de la création du concept, soulignait dans les couloirs un responsable d’ONG. L’intérêt d’un tel label ? Il n’est pas pécuniaire, puisqu’il ne s’accompagne du versement d’aucunes subventions. Il sert en revanche à gagner de la visibilité à moindres frais, comme nous l’expliquions dans cet article.


- L comme Lyon-Turin

Pour qui plisse les yeux très fort, la ligne à grande vitesse (LGV) contestée apparaît en filigrane dans la feuille de route de la conférence. « La France intensifiera ses actions avec ses partenaires italiens pour la constitution d’un service ferroviaire pérenne à travers les Alpes. » Dans le document de cadrage, la mesure est inscrite en italique, signe qu’elle ne faisait pas, à l’ouverture des discussions, consensus.


- M comme Medef

Dans les couloirs de la conférence, le patronat parait un brin crispé. « Nous sommes là surtout en observateurs, mais dans le même temps, nous veillons à ce que les discussions ne débouchent pas sur un nombre déraisonnable de réglementations », explique un membre du syndicat, exemple à l’appui : « Obliger les entreprises de plus de 50 employés à se doter d’un plan de mobilité reviendrait à faire peser sur elles une nouvelle contrainte. » Pour le Medef, la mesure est de toute façon superflue : « De nombreuses entreprises sont déjà engagées sur le sujet de la mobilité ». L’argument laisse sceptiques les autres participants : « D’un côté, ils se montrent volontaires ; de l’autre, ils refusent toute contrainte », résume Jean-Yves Petit, représentant de l’association des régions de France. « Difficile dans ces circonstances de voir comment les bonnes volontés peuvent se généraliser. »


- M comme Médicaments

« 2 000 tonnes de médicaments ne sont pas utilisés chaque année. ». En clair, « 15 boîtes de médicaments par personne et par an sont jetées dans la nature », a martelé Marisol Touraine, lors de la présentation de la table ronde Environnement et santé, à l’ouverture de la conférence. Dans le texte soumis à l’examen des participants, plusieurs propositions : expérimenter la distribution des médicaments à l’unité pour éviter le gaspillage ou encore mettre en place, avec les médecins, un « indice de classement des médicaments en fonction de leur toxicité et de leur persistance dans l’environnement, afin de guider les prescriptions ». Si le Medef et les ONG s’opposent sur ces propositions, certains politiques balaient tout bonnement le sujet, marotte de Marisol Touraine. « Elle est monomaniaque avec ça, s’agace Michèle Rivasi, eurodéputée EELV. Elle a raison, d’accord. Mais c’est loin d’être toute la problématique. Il y a l’impact sur l’eau, sur le sexe des poissons, comme l’ont montré plusieurs études. Elle n’a même pas prononcé le terme de “perturbateurs endocriniens” ! » Yannick Jadot, lui aussi eurodéputé écolo, va même plus loin : « C’est honteux. Ça montre une ignorance crasse de ce que sont les vrais enjeux santé/environnement. »


- O comme Oubliés

En vrac, on peut citer les ondes électromagnétiques, l’écotaxe ou… la Confédération paysanne. Dans le détail, « une des frustrations à la table ronde Environnement et santé, c’est que les champs électromagnétiques et leurs impacts sur la santé n’aient pas été évoqués », déplore Elisabeth Ruffinengo, représentante de l’association Femmes en Europe pour un avenir commun, invitée en tant qu’experte. Quant à l’écotaxe, c’est le mot tabou des réunions. « Oui, nous ne sommes pas allés jusqu’au bout, a reconnu le Premier ministre, Manuel Valls, lors de son discours de clôture, mais à partir du moment ou un certain nombre de régions comme l’Alsace et la Lorraine veulent s’engager dans cette voie-là, elles seront soutenues. » Et hop, problème déplacé. Dans la liste des absents, on trouve des thématiques, mais aussi des participants. Parmi les associations qui ont crié haut et fort à l’exclusion, la Confédération paysanne, syndicat minoritaire mais acteur majeur dans le secteur de l’agriculture bio. Interrogée sur cette absence par une journaliste lors d’un déjeuner informel, Ségolène Royal n’a pas caché qu’elle en ignorait tout, avant de se défendre : « Je ne peux pas improviser les membres de la Conférence environnementale. Ce sont ceux officiellement représentés au CNTE (Conseil national de la transition écologique). » Mais elle a promis de se racheter en « élargissant par la suite le CNTE ».


- P comme Perturbateurs endocriniens

« Dès qu’il est question d’étiquetage des perturbateurs endocriniens, l’industrie se fait un plaisir de rappeler que l’Europe n’a pas de définition », déplore José Cambou, secrétaire nationale de France Nature Environnement (FNE). « Je ne vois pas en quoi cela dispenserait la France d’agir », rétorque Elisabeth Ruffinengo, de Femmes en Europe pour un avenir commun. Message reçu par Ségolène Royal, qui a annoncé qu’elle confierait à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) la tâche de mettre en place un groupe de travail pour bûcher sur cette définition. Parallèlement, la ministre de l’Ecologie a promis d’inscrire le sujet à l’ordre du jour du Conseil des ministres de l’Environnement européens, le 17 décembre.


- Q comme Question-piège

Moment de flottement lors du point presse clôturant la première journée de la conférence, ce jeudi. La ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, est alors interpellée sur un sujet annexe : la hausse des tarifs aux péages d’autoroutes annoncée en début de journée. « Le jour de la Conférence environnementale, c’est une provocation », s’emporte-t-elle. Le matin même, elle s’était montrée ferme : « On ne leur donnera pas cette autorisation », assurait-elle alors. Sauf qu’entre-temps l’Association des sociétés françaises d’autoroute (Asfa) a publié un communiqué indiquant que ce sont les services de l’État, et non les sociétés privées, qui décident des hausses de tarif. Précision qu’une journaliste se fait un plaisir de rappeler à Ségolène Royal : « Alors là, je suis très étonnée », se défend la ministre.


- R comme Réciprocité

« Le Medef, la CGT… tout le monde vient à la Conférence environnementale. On espère qu’il y aura quelques environnementalistes à la prochaine Conférence sociale », a suggéré Denez L’Hostis, le président de France Nature Environnement (FNE) .


- R comme Rouler propre

Voitures électriques, agrocarburants pour l’aéronautique : innovation technique et performance énergétique des véhicules sont les vedettes de la table ronde Transport et mobilité durables. « L’Etat étant actionnaire de Peugeot et de Renault, il devrait utiliser cette position pour être aux manettes de la transition dans l’industrie », souligne Denis Baupin, vice-président de l’Assemblée nationale (EELV). Chouchous des discussions, les « véhicules plus sobres, moins polluants » pourraient se voir accorder des facilités de stationnement grâce à un système de classification des automobiles selon leurs niveaux d’émissions, qui pourrait voir le jour en 2015. Une fixette loin de satisfaire tous les élus écolos. « La feuille de route reste centrée sur l’automobile, et on n’arrive pas à faire monter d’un cran la réflexion », soupire le député EELV François-Michel Lambert. Chez Yannick Jadot, l’agacement monte d’un cran : « Faire un truc sur les transports en ne parlant que de la voiture électrique, c’est du foutage de gueule ! ».


- S comme Sivens

En déjeuner avec un petit comité de journalistes ce vendredi, la ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, n’a pas pu éviter le sujet redouté. Interrogée sur le dossier, elle a avoué, en s’appuyant sur le rapport d’experts, qu’il n’y avait « pas eu de vraies compensations » au projet. Les zones de compensation ont été « morcelées. Elles ne peuvent pas avoir la même densité de biodiversité que la zone qu’on détruit. Le compte n’y est pas. » La veille, le président Hollande avait, lui, choisi de revenir sur l’épisode qui a coûté la vie à Rémi Fraisse, lors d’une manifestation contre le barrage : « Un drame pour sa famille et pour la nation ». Aussi, le chef de l’Etat a-t-il annoncé le lancement d’un chantier pour construire un nouveau modèle de démocratie participative. Avant chaque grand projet, tous les points de vue devront être considérés et toutes les alternatives étudiées. Et si ça bloque ? On aura recours à des « référendums locaux », qui valent « toujours mieux que le fait accompli ou que l’enlisement », a-t-il estimé. Le gouvernement devra se mettre au travail au travail dès aujourd’hui pour remettre ses « propositions dans [un] délai de six mois, [propositions qui] seront immédiatement mises en œuvre ». « Ce sera six mois avant la COP, s’est félicité Ronan Dantec, sénateur de Loire Atlantique (EELV), en visite dans la salle de presse. De toute façon, s’il veut avoir les associations dans sa poche, il faut qu’il réponde avant l’été sur les grands chantiers » sujets à des contestations.


- T comme Temps de parole

Trois minutes, ni plus ni moins. C’est le temps des interventions des quelque 80 participants répartis entre les trois tables rondes. Mais cette apparente équité cache des disparités entre les secteurs représentés. Le constat est notamment criant pour la table Transport et mobilité durables. Conséquence du boycott des discussions par quatre ONG, les associations de défense de l’environnement ne sont plus que six à siéger. Autour de la table, les vingt représentants des professionnels des transports aérien, fluvial, ferré ou routier, sont trois fois plus nombreux.


- T comme Trajets

Pour régler la question du transport, rien de tel que de ne pas se déplacer. Telle est la piste développée lors de la table ronde Transport et mobilité durables. « Un des leviers pour appréhender le problème consiste à faire baisser la mobilité subie », résume François-Michel Lambert, député EELV. Pour éviter les déplacement contraints, souvent liés à la vie professionnelle, les participants tombent d’accord sur deux points : limiter l’étalement urbain et densifier le territoire. Autre option envisagée : accélérer le développement des MOOC et des vidéoconférences, pour favoriser le travail à distance. « Le problème, c’est aussi le morcèlement du travail, les horaires décalés qui ne permettent pas de mettre au point des stratégies de transport coordonnées, poursuit François-Michel Lambert. Sans passer à la semaine de quatre jours, il ne faut pas s’interdire de regarder dans cette direction. »


- V comme Ville durable

Patience, patience. Manuel Valls a beau avoir salué « ces écoquartiers qui fleurissent partout », la ville durable sera à l’ordre du jour de la Conférence environnementale… de l’an prochain. C’est ce qu’a indiqué Jean-Marc Offner, médiateur de la table ronde sur les transports.