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Oikoten : les randonnées de l’espoir
jeudi, 13 mai 2004
/ Clotilde WARIN
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Bloqués sur des voies de garage, de jeunes Flamands au parcours chaotique retrouvent foi dans l’avenir grâce à des randonnées. Artisane de ces thérapies, l’association Oikoten est un bol d’oxygène pour ces jeunes souvent désespérés.
"Une sanction alternative." C’est ainsi que l’éducatrice de Mateo (1) lui avait présenté le projet de randonnée jusqu’à Saint-Jacques de Compostelle. A 16 ans et demi, l’adolescent belge venait d’intégrer une prison pour mineurs. Après une enfance à l’orphelinat, un placement dans une famille d’accueil, l’adolescent avait connu la drogue, les condamnations pour vols et pour vente de stupéfiants. "Cette marche, j’avais l’impression que c’était une punition. Le jour de mon départ, mes amis m’escortaient comme si j’allais au bagne d’Alcatraz."
Hors de son pays
Comme Mateo, ils sont seize chaque année à partir en randonnée via l’association Oikoten. "Ce sont des jeunes arrivés au bout du système", explique Dimitri Dumortier, l’un des coordinateurs de l’association flamande. Depuis sa création en 1982, Oikoten, qui compte sept permanents, organise des randonnées de plusieurs mois pour des délinquants âgés de 16 à 18 ans. Le voyage se fait à trois : un accompagnateur escortant deux adolescents. Oikoten prend majoritairement en charge des garçons, même si, depuis 1987, certaines randonnées ont été organisées pour des filles. Depuis une vingtaine d’années, 250 jeunes Flamands sont partis sur les routes de France, de Roumanie, d’Inde, d’Afrique de l’Est. A pied, parfois à bicyclette. "Nous travaillons sur l’aliénation, le dépaysement", explique Dimitri Dumortier. Oikoten signifie, en grec, à la fois "hors de son pays" et "par ses propres moyens".
Voyage en roulotte
La moitié des randonnées a pour destination Saint-Jacques de Compostelle. Il ne faut pas y voir de prosélytisme. Juste une volonté d’inscrire cette aventure dans une histoire collective : celle des pèlerins. "Tout ce qui est signe religieux, ajoute Dimitri Dumortier, on l’interprète comme une donnée historique, une marque d’humanisme." Aux Etats-Unis, l’organisation Vision Quest, qui a inspiré l’association, inscrit aussi son projet de réinsertion dans l’histoire du pays. Là-bas, les jeunes voyagent en roulotte, tels les pionniers du XIXe siècle.
25.000 euros par jeune
Avec le temps, Oikoten a diversifié ses projets. Depuis 1990, cinq jeunes sont envoyés en France tous les ans dans des familles où ils travaillent. Chaque année, le ministère communautaire flamand de la Famille et de l’Aide sociale verse 500.000 euros à Oikoten. L’organisation d’une randonnée coûte 25.000 euros par jeune. Après vingt ans d’existence, les résultats sont tangibles. 60% des jeunes réussissent une bonne intégration, même si le travail est parfois long. "Après la randonnée, il n’y a rien qui change, explique Mateo, aujourd’hui âgé de 28 ans. Tu retrouves ta vie dans la réalité. Avant de partir, j’étais dans un nuage de drogues. Après, je voyais tout très clair, mais tout a redégringolé très vite." A son retour, il y a douze ans, Mateo est tombé dans l’héroïne cette fois. "La société veut souvent de grands remèdes, affirme Dimitri Dumortier, elle voudrait qu’on dise que les jeunes sont devenus des saints. Mais notre objectif n’est pas trop haut."
Pas trop élevé peut être, mais efficace. Aujourd’hui, Mateo travaille comme chef cuisinier chez un traiteur. Depuis quatre ans, il n’a plus touché à la drogue. "J’ai mis des années à me rendre compte de ce qu’Oikoten m’avait apporté", avoue-t-il. Bien sûr, il reste des traces. Des problèmes de santé, des dettes qu’il n’a pas fini de régler. Père d’un petit garçon de deux ans, Mateo assume : "Ma vie est normale, j’ai une maison, un jardin..." Signe de son insertion réussie, il a récemment ajouté à son CV son aventure avec Oikoten, pourtant synonyme d’un parcours chaotique. Régulièrement, il conseille des jeunes qui partent avec l’association flamande. Et songe même un jour repartir en randonnée. Mais cette fois en tant qu’accompagnateur.
(1) Mateo est un pseudonyme
Allez vous balader sur les sites d’Oikoten et de Vision Quest
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