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Les cliniques de congélation des ovocytes profitent du buzz d’Apple et Facebook
jeudi, 16 octobre 2014
/ Alexandra Bogaert
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La proposition de Facebook et Apple d’aider leurs employées à congeler leurs ovules a fait le buzz. Cette pratique est, sauf exceptions, interdite en France. Mais cela n’empêche pas des cliniques étrangères de draguer les Françaises.
C’est ce qui s’appelle saisir la balle au bond. Au lendemain du buzz autour du nouveau projet des firmes Facebook et Apple – qui est de soutenir financièrement leurs salariées souhaitant congeler leurs ovules afin de différer une grossesse pour mieux se concentrer sur leur carrière – voilà que des cliniques pratiquant la conservation d’ovocytes souhaitent opportunément faire parler d’elles.
Rappelons-le, la conservation d’ovocytes pour convenance personnelle n’est pas autorisée en France. La loi de bioéthique de 2011 autorise la congélation d’ovocytes uniquement pour les femmes qui suivent un traitement médical menaçant leur fertilité. Fin 2012, le Conseil national des gynécologues et obstétriciens français avait bien proposé d’ouvrir l’autoconservation à toutes les femmes qui le souhaitent, considérant qu’il s’agit d’un « progrès médical car elle est la seule méthode de traitement de l’infertilité réellement efficace à 40 ans et plus » et qu’elle évite aux couples le recours au don d’ovocytes d’une femme anonyme. Sans effet.
Une situation bien différente en Espagne, en Belgique, en Italie, aux Etats-Unis ou encore au Canada. Dans ces pays, la congélation de convenance est possible, et rien n’empêche les Françaises qui en ont les moyens de partir à l’étranger pour mettre quelques ovocytes bien au chaud (enfin, plutôt dans de l’azote gazeux à -196°C) jusqu’au jour où elles choisiront d’avoir un enfant.
C’est ce qui a poussé la chaine des cliniques espagnoles IVI, qui compte capitaliser sur l’actualité pour faire connaître la vitrification des ovocytes, à solliciter les journalistes, ce jeudi. « En Espagne, le prélèvement et la conservation des ovocytes ne sont pas soumis à condition. Ce n’est pas un tabou et semble au contraire un progrès social dont les femmes sont libres de disposer ou non », précise un court communiqué de presse envoyé par l’agence de communication d’IVI. Mais si, bien sûr, on nous explique qu’IVI profite de l’actualité pour « rebondir », on refuse de présenter cette démarche comme commerciale.
Pourtant, le business est juteux. Une autre clinique espagnole, Eugin, nous dévoile ses tarifs : 1950 euros pour recueillir les ovules sous anesthésie, les vitrifier, les préserver pendant deux ans. Puis, le coût de la conservation est de 250 euros par année supplémentaire. Et le traitement de stimulation des ovaires n’est pas inclus. Ni le voyage en Espagne, bien sûr.
Eugin accueille à bras ouverts les Françaises. On peut d’ailleurs choisir la langue (espagnol, anglais ou français) dans laquelle on souhaite qu’une interlocutrice nous réponde au téléphone. D’habitude, une demande d’interview peut prendre des heures. Là, on nous passe dans l’instant le directeur marketing de la clinique, Sergio Calatayub. Lui aussi s’exprime en français. « On ne cherche pas à faire de publicité, se défend-il. On répond juste aux questions des journalistes. » Il adhère à la proposition que Facebook et Apple s’apprêteraient à faire à leurs salariées : « Je ne vois pas où est le problème puisque la conservation ne serait pas obligatoire », estime-t-il.
Il explique être « en contact avec des personnes des services de ressources humaines de plusieurs entreprises qui se renseignent pour leurs salariées », sans vouloir préciser ni le nom ni la nationalité des boites en question. « Ces entreprises trouvent que ce serait une bonne chose d’aider leurs salariées à financer cette démarche mais elles n’osent pas, elles ont peur que ce soit mal perçu par le public... Alors même que les principales intéressées, les femmes, voient ça de manière très positive », assure-t-il. Les clientes de la clinique sont des Anglaises, des Françaises et des Espagnoles, « en grande majorité des médecins, car elles sont pleinement conscientes que leur fertilité baisse à partir d’un certain âge. Mais certaines responsables des ressources humaines, qui ont pris des renseignements auprès de nous à titre professionnel, sont intéressées pour le faire, à titre privé. » Chez Eugin, la congélation des ovocytes est effectuée jusqu’à 42 ans, l’implantation d’embryons jusqu’à 50 ans - « c’est rarissime » - mais la moyenne d’âge est de 43 à 44 ans. A un moment où les femmes auront déjà beaucoup donné à leur employeur.