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« La transition énergétique coûtera cher, mais elle apportera plus de bien-être »
lundi, 6 octobre 2014
/ Karine Le Loët / Rédactrice en chef à « Terra eco ». |
Selon Ségolène Royal, la transition énergétique permettra de réduire nos factures. Pas si sûr pour deux professionnels du secteur, qui estiment que le discours culpabilisant n’est pas le bon.
Depuis le 1er octobre, l’Assemblée nationale planche sur la transition énergétique. Au menu : la rénovation thermique, « principal chantier de la loi » de l’aveu même de Ségolène Royal. En ligne de mire : un parc immobilier entièrement rénové aux normes « bâtiments basse consommation » en 2050 et ce, grâce à de multiples outils façon carotte (allégement fiscal, éco-prêt à taux zéro accordés sur des travaux, chèque énergie pour les plus modestes…) ou bâton (obligation de réaliser des travaux de rénovation en cas de ravalement, de réparation de toiture, d’aménagement de nouvelles pièces…) La loi sur la transition énergétique « va changer la vie des Français » et constitue « une formidable chance », a affirmé la ministre de l’Ecologie ce mercredi. Le volet sur la rénovation énergétique permettra notamment aux habitants de « diminuer leur facture énergétique, qui pèse lourdement sur leur pouvoir d’achat ». La transition énergétique, a-t-elle résumé : « Ça ne coûte pas, ça rapporte. » Un argumentaire inefficace, voire fallacieux pour Marika Frenette, architecte à la tête de Wigwam, un bureau d’études environnementales nantais et Hervé Graton, ingénieur thermicien et directeur de Kypseli.
Si la ministre raconte ça, c’est pour montrer qu’elle fait quelque chose. Dans son discours, elle dit aussi que la transition va créer 100 000 emplois dans le bâtiment. Il faut arrêter ! Il y a eu 300 000 emplois perdus dans le secteur. Il ne peut pas y avoir de création d’emplois puisqu’il n’y a pas de boulot. Ceux qui sont un peu dégourdis changent de métier et se tournent vers la rénovation. Mais ça ce ne sont pas des créations d’emplois ce sont des transformations.
Hervé Graton : Faire des travaux de rénovation pour faire des économies d’énergie est un mauvais calcul. Le prix de l’énergie aujourd’hui n’est pas assez élevé. On n’a pas de retour sur investissement avec un changement de fenêtres à 30 000 euros. Ma société a mené une étude sur une centaine de logements dans un immeuble des années 1970/1980. Le bailleur social avait réglé la note pour des travaux d’isolation par l’extérieur très importants. Pour le locataire, ça voulait a priori dire une réduction des charges importantes. Certes, si vous regardez la facture de chauffage d’un T4, elle est passée de 350 à 50 euros. Mais si vous remettez dans le contexte de l’ensemble des charges (consommation d’électricité, de gaz, facture d’eau…) la facture passait de 2200 à 1870 euros. On ne gagnait que 15% au total. Cet écart de 300 euros ne peut absolument pas compenser la facture de 20000 ou 25000 euros de travaux réalisés par le bailleur sur un logement comme celui-là.
Hervé Graton : On parle de confort mais ces travaux peuvent permettre aussi d’améliorer la pérennité d’un bâtiment. Ils redonnent de la valeur ajoutée à un bien qui sera mieux revalorisé lors de la revente. Ça aussi c’est important et souvent prioritaire sur les économies d’énergie.
Marika Frenette : Ce retard sur l’isolation, c’est vrai de la France mais aussi d’autres pays d’Europe du sud comme l’Espagne ou l’Italie qui partagent un climat peu froid. Vous savez, quand on arrive d’Europe du Nord ou du Canada et qu’on voit des marchés où les commerçants ont les mains rouges, des boutiques ouvertes à tous vents avec des jeunes travailleuses qui ont très froid… C’est inimaginable pour nous de travailler dans ces conditions ! La France a une grande résistance à l’inconfort. On oublie que le confort à la maison, au travail est un droit essentiel. J’ai la chance d’habiter dans une maison passive. Quand les gens viennent chez moi, ils me disent “qu’est-ce qu’on est bien”. Il y a une belle luminosité, je ne dépasse pas les 40% d’humidité, il n’y a pas de courant d’air. Il y a un parquet bien isolé sur lequel on peut marcher pieds nus sans avoir froid en hiver. Les gens sont tellement habitués à leurs appartements mal isolés, humides qu’ils sont surpris. Mais après la journée, rentrer chez soi devrait être un havre, un refuge.
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