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Comment les sénateurs tentent d’avoir la peau du loup
jeudi, 17 avril 2014
/ Amélie Mougey
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Ce lundi, le Sénat a voté un article de loi autorisant les éleveurs à abattre les loups. Au Palais du Luxembourg, c’est presque une tradition. L’espèce est pourtant strictement protégée. Explications.
La loi d’avenir agricole scellera-t-elle le destin du loup ? Lundi soir, à la veille de l’adoption du texte au Sénat, l’ensemble des élus, à l’exception de ceux d’Europe Ecologie - Les Verts, se sont prononcés en faveur d’un article autorisant les éleveurs de brebis à abattre le prédateur. L’article 18 bis ajouté en catimini par le nouveau chef des sénateurs socialistes, Didier Guillaume, « autorise les éleveurs à pratiquer sur leur commune des tirs de prélèvement (destinés à tuer ndlr) pendant six mois, lorsqu’ils ont subi sur leur élevage des attaques avérées de loups ». Les 250 loups français vont-ils perdre leur tranquillité ? Les éleveurs sont-ils sur le point d’obtenir gain de cause ? Terra eco fait le point.
Pourquoi une nouvelle offensive contre le prédateur ?
Parce que les sénateurs estiment que le loup, dont la population augmente de 20% par an, n’est plus une espèce en danger. Ils considèrent également que le Plan loup (en pdf), adopté l’an dernier, est inefficace pour prévenir les attaques. Ce plan met l’accent sur les mesures de protection. Cela passe par l’adoption de patous, ces chiens dressés pour en découdre avec le loup, la construction de parcs et le recrutement de bergers. Malgré ces mesures, le loup attaque toujours. La Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Rhône-Alpes (Dreal) comptabilise 6 786 brebis victimes en 2013 contre 6 666 l’année précédente, soit 0,08% du cheptel français.
Si le nouvel article entre en vigueur que va-t-il changer ?
Le lieu et la période à laquelle les éleveurs pourront faire feu sur les loups. Les dérogations actuelles ne sont valables qu’un mois renouvelable et l’éleveur ne peut tirer qu’à proximité de son troupeau si celui-ci est attaqué. Si l’article de loi passe, ils pourront, après une attaque, rendre justice eux-mêmes sur toute leur commune. Pour Joël Labbé, sénateur écologiste opposé au texte, « cette mesure est contraire à la convention de Berne, et n’a aucune chance de passer ». Un avis que partage l’association de protection du loup Férus pour qui cet article est « hors-la-loi ». « Les sénateurs veulent faire d’une dérogation la règle », s’emporte Jean-François Darmstaedter, son président.
Cet article a-t-il malgré tout une chance de passer ?
Oui. Les Etats sont libres d’interpréter « les dommages importants » évoqués par la convention de Berne à leur guise. Les associations pourront attaquer la loi ou les arrêtés ministériels mais « s’ils sont bien formulés, rien n’indique que les tribunaux administratifs leur donneront raison », estime Stéphane Mazars. Mais c’est la convention de Berne elle-même que les sénateurs entendent changer. La sénatrice UMP Hélène Masson-Maret a même déposé un amendement pour que le loup sorte de la catégorie « strictement protégée ». Mais celui-ci a été rejeté. « La représentation nationale n’est pas compétente, cette décision relève de l’Europe », souligne le ministère de l’Agriculture.
Et dans les autres pays, ça se passe comment ?
La situation est très contrastée. Certains pays, comme la Norvège, sont restés à l’écart des textes internationaux. La chasse au loup y est donc autorisée. Les signataires de la convention de Berne ont, pour leur part, pris des engagements à géométrie variable. En Espagne, le loup est strictement protégé au Sud mais peut être chassé au Nord. C’est en Italie que l’animal est le plus serein. Il est « strictement protégé » partout et aucune dérogation n’est accordée.
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