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Municipales : Ces villes où le vote blanc a gagné
mardi, 25 mars 2014
/ Alexandra Bogaert
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Le premier tour des municipales a enregistré un léger recul des votes blancs et nuls. N’empêche, par endroits, ils pourraient être candidats au second tour ! Mais cette arme potentiellement puissante n’a que peu de poids.
Un chiffre est passé presque inaperçu lors du scrutin de dimanche dernier : celui du taux de votes blancs et nuls. Le ministère de l’Intérieur tarde à communiquer le pourcentage de citoyens qui, au niveau national, ont choisi soit de glisser dans leur enveloppe un papier blanc, soit de ne rien y mettre, soit de raturer la liste qu’ils y ont insérée.
Selon l’Observatoire du changement politique (ODCP), ce taux serait de 3,54% des votants dans les 980 villes de plus de 10 000 habitants. C’est moins qu’en 2008 (3,99% des votants au premier tour) ou qu’en 2001 (4,88%). « On aurait pu s’attendre à plus, compte tenu du grand désenchantement de l’électorat de gauche, qui s’est, au final, plutôt abstenu ou a voté pour l’autre camp », analyse Jean-Yves Dormagen, président de l’ODCP.
Dans certaines communes, cette proportion a toutefois grimpé bien plus haut. En tête du palmarès, Mayenne (Mayenne), avec plus d’un électeur sur trois (34%) qui a fait l’effort de se déplacer jusqu’à l’isoloir pour, au final, voter nul ou blanc. A Tergnier, dans l’Aisne, on a flirté avec les 23%. A Avion, dans le Pas-de-Calais, les 17% ont été atteints. Dans ces trois cas, une seule liste était présentée. Facile, alors, de déduire que l’aspirant à la mairie et ses futurs conseillers n’ont tout simplement pas séduit. Et que le vote blanc ou nul est, dans ce cas, le moyen de leur manifester une opposition claire.
Mais d’autres villes intriguent : Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne), avec ses trois listes présentées dimanche, a enregistré 10,5% de votes nuls ou blancs exprimés, et 47% d’abstentions. A Stains (Seine-Saint-Denis), six électeurs sur dix ne se sont pas déplacés jusqu’aux urnes et un sur dix, parmi ceux qui s’y sont rendus, a choisi de ne donner sa voix à aucune des quatre listes présentées. Si le vote blanc avait son candidat, il serait donc sélectionné au second tour ! Les exemples comme ceux-ci ne sont pas isolés, en Ile-de-France en particulier. Une chose est sûre : si l’on cumule ces deux données - abstention et vote blanc ou nul - la représentativité des compétiteurs du second tour (à Montereau, Yves Jégo – UDI – a été réélu au premier tour) est déjà sérieusement entamée...
Comment comprendre ces poussées sporadiques des votes nuls et blancs ? « Le vote blanc et le vote nul ne sont tout d’abord pas exactement la même chose, précise d’emblée Bruno Cautrès, politologue au Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po). Le vote blanc (où l’électeur glisse vraiment un papier blanc dans l’enveloppe, ndlr) exprime plutôt un geste de participation civique pour un électeur qui n’a pas trouvé d’offre électorale qui lui convienne ; le vote nul, par exemple lorsque le bulletin de vote a été raturé ou annoté, exprime plus souvent un rejet de la politique. » Impossible de faire la distinction entre les deux puisque, à ce jour, ils sont comptabilisés ensemble.
Anne Muxel, autre politologue du Cevipof, voit en tout cas dans ces « non-votes protestataires la même logique de contestation que l’abstention, qui s’explique moins désormais par des raisons sociologiques que politiques : le vote blanc est de plus en plus utilisé comme une réponse électorale de la part de citoyens qui ont envie d’accomplir leur devoir tout en manifestant qu’ils rejettent ce qu’on leur propose ».
Elle rappelle à cet égard que 60% des Français, d’après une récente étude du Cevipof, ne font confiance ni à la droite ni à la gauche pour gouverner... Bruno Cautrès acquiesce : « Le taux d’abstention que l’on a constaté dimanche, comme les taux de votes blancs ou nuls, traduit un malaise démocratique. C’est un message d’insatisfaction face aux hommes politiques et à l’offre politique en général, mais sans remettre en cause l’élection et la démocratie représentative. »
« Nous respectons l’institution démocratique qu’est le vote, confirme Stéphane Guyot, président des Citoyens du vote blanc [1], une association créée par des citoyens bénévoles et non professionnels de la politique, qui militent pour la reconnaissance du vote blanc. Mais nous refusons que notre désaccord ne soit pas pris en compte ou alors comptabilisé comme une erreur. »
En effet, les règles actuellement en vigueur placent les votes blancs directement dans la corbeille, à côté des nuls : le geste citoyen et politique n’est pas du tout pris en compte. A partir du 1er avril, les blancs seront comptabilisés à part des nuls, mais ne seront toujours pas considérés comme des suffrages exprimés. Ils n’influeront donc en rien sur les résultats, mais serviront d’indicateur pour déterminer un climat politique. « C’est ridicule car les votes nuls portent souvent des messages politiques, ce que ne contient pas une feuille blanche... », tranche Jean-Yves Dormagen.
Pourquoi cette réforme du scrutin, adoptée en février dernier, n’est-elle pas allée plus loin ? Stéphane Guyot estime que c’est parce que « le vote blanc porte en lui la potentialité d’invalider un scrutin. C’est une arme de destitution massive ». Anne Muxel acquiesce : « Le reconnaître au même titre que les votes pour des candidats garantirait une plus grande liberté pour le citoyen d’exprimer son mécontentement mais ce serait aussi ouvrir la porte à un affaiblissement de la légitimité des choix démocratiques qui sortiront des urnes ». Et ça, les politiques n’en sont pas trop friands...