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Epandage aérien, pourquoi des agriculteurs disent stop
mardi, 21 janvier 2014
/ Amélie Mougey
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2014 ne sera pas l’année de l’interdiction effective des pesticides par avion. Un récent décret autorise encore les dérogations. Mais en Champagne, les viticulteurs eux-mêmes n’en veulent plus.
L’épandage aérien est interdit ? Qu’importe ! Il va continuer. C’est en substance ce que dit un décret publié par le ministère de l’Agriculture le 23 décembre dernier. Malgré une directive européenne (ici en pdf) prônant une interdiction totale, malgré une lettre de cadrage de Jean-Marc Ayrault confirmant cet objectif, en 2014 les préfets devraient encore accorder des dérogations par centaines. Grâce à elles, les producteurs de riz, de maïs, de bananes et de vigne pourront continuer à asperger. Les conditions n’ont pas été durcies. Des cultures un peu trop hautes, des terrains un peu trop escarpés constituent des motifs suffisants pour que les aéronefs soient de sortie.
« Au lieu de les encourager, l’Etat freine les bonnes volontés », déplore Nadine Lauverjat, chargée de mission au sein de l’association Générations futures. « Cela fait des mois que tous les signaux sont au rouge, il n’y a qu’à voir l’exemple guadeloupéen », poursuit-elle. Depuis le 23 décembre les bananiers peuvent demander des dérogations pour pulvériser par les airs douze mois par an. « C’est un gâchis, certains avaient appris à s’en passer », déplore Nadine Lauverjat.
D’une part, la pulvérisation par avion n’est plus si rentable. « Face à la multiplication des parasites on a constaté une baisse d’efficacité », explique Arnaud Descôtes. Et pour cause, « 75% des produits déversés par aéronefs n’atteignent pas leur cible », rappelle Nadine Lauverjat. D’autre part « la méthode va à l’encontre de notre engagement de réduction des intrants », reprend le responsable environnement du CIVC. En quinze ans, le groupement de vignerons a diminué de moitié les quantités de produits appliquées. D’ici à 2020, il table sur une nouvelle baisse de 50 %. Autant d’efforts presque passés inaperçus. « Dès qu’un article parle d’épandage aérien, on lui colle une photo d’aéronef planant sur les vignobles de Champagne, en terme d’image c’est désastreux », soupire Arnaud Descôtes.
« Jusqu’aux années 1990, on balançait des produits en grosses quantités, on a brisé de équilibres naturels, reconnaît Arnaud Descôtes. On a éradiqué des insectes utiles ce qui a entraîné la prolifération de nuisibles, comme les araignées rouges. Résultat on pulvérisait de plus belle. » Aujourd’hui les vignerons tentent de briser le cercle vicieux. Sans pour autant tirer un trait sur la chimie. « On devient des techniciens » , explique Gérard Beurton, vigneron dans la Marne. Depuis qu’il a arrêté l’épandage aérien, son usage des produits phytosanitaires est devenu plus précis et plus limité. « Et ça n’a rien changé aux rendements », s’étonne-t-il. De là à envisager un sevrage complet... En Champagne, les parcelles bio ont beau être six fois plus étendues qu’il y a dix ans, elles ne représentent toujours que 1,2 % des terrains. Dans sa vigne, Gérard Beurton a enherbé ses allées pour que les tracteurs chargés de pesticides prennent la relève des avions sans s’embourber.
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