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Pourquoi y a-t-il tant de goélands en ville ?
mardi, 19 novembre 2013 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Lorient, Lamballe ou encore Boulogne-sur-Mer. Ces communes déplorent, depuis quelques mois, une invasion de goélands. Cela montre combien notre mode de vie est inadapté au sauvage.

A Lorient (Morbihan), une « dame d’un certain âge » s’est fait agresser. A Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), un enfant s’est fait voler son pain au chocolat. A Lamballe (Côtes-d’Armor), ce sont des chefs d’entreprises qui déplorent plusieurs milliers d’euros de dégradations.

Depuis quelques mois, les articles dénonçant les nuisances des goélands se multiplient dans la presse locale et régionale. La plupart des villes de la côte Atlantique, de la Loire-Atlantique au Nord, sont frappées. Mais on trouve aussi des plaintes à Paris, à Amiens (Somme) ou même à Agen (Lot-et-Garonne). Dans ces articles, et dans les témoignages des victimes, on lit que ces oiseaux sont de plus en plus nombreux et de plus en plus agressifs.

La faute à la pêche industrielle et aux décharges

Est-ce là le début d’une invasion de type hitchcockienne, avec des goélands dans le rôle principal ? Pour Frédéric Malher, professeur agrégé de sciences naturelles, vice-président du Centre ornithologique Ile-de-France (Corif) et fondateur du blog « Les oiseaux en ville », nous ne vivons pas une « invasion » à proprement parler, puisque les goélands colonisent les villes petit à petit depuis une grosse vingtaine d’années. Mais pourquoi diable ces oiseaux sauvages se sont-ils subitement déplacés vers les villes ? Un temps menacé de disparition au début du siècle dernier, cet animal – omnivore et capable de se nourrir de nos restes – a en fait trouvé son salut grâce aux activités humaines aux alentours des années 1970. « C’était une époque bénie pour les oiseaux de mer avec la croissance de la pêche industrielle et l’installation de décharges, qui leur ont fourni une nourriture facile et abondante. Les effectifs de ces espèces ont donc augmenté, à tel point qu’il est devenu plus facile pour certains oiseaux de s’adapter au milieu urbain que de trouver une place dans leur milieu traditionnel », détaille Frédéric Malher.

Une partie de ces oiseaux a alors cessé de migrer chaque hiver pour prendre ses quartiers en ville. Les animaux ne sont pas devenus plus agressifs à cette occasion, ils ont juste pris l’habitude de se nourrir de l’abondante nourriture disponible sur nos trottoirs. Ce qui aboutit parfois à des vols de pains au chocolat. En France, aucun recensement ne permet d’évaluer le phénomène. En Belgique, les chiffres avancés par l’Institut de recherche pour la nature et la forêt (Inbo) montre l’installation rapide des goélands urbains, qualifiés de « nicheurs », dans les villes :

Or, ce nouvel arrivant n’est pas discret. Etre voisin d’un goéland vous promet des nuits compliquées, comme le montre la vidéo ci-dessous tournée par un Havrais :

« Tuer ces rats du ciel »

Pour limiter l’expansion de l’espèce, une vingtaine de villes françaises ont opté pour des campagnes de stérilisation. « On identifie les zones de nidification et les zones où les habitants rapportent des nuisances. On fait ensuite appel à une entreprise spécialisée qui va appliquer un produit stérilisant à base de formol et d’huile sur les œufs, en mai et en juin, afin de bloquer l’incubation », explique Yann Syz, adjoint au maire de Lorient, où nichent environ 3 500 couples de goélands. Le tout a un coût : environ 23 000 euros chaque année. D’autres villes se mettent progressivement à la stérilisation, comme Dunkerque (Nord) en 2014.

Ces communes ne pourront pas aller plus loin pour s’en prendre à l’envahisseur. Car – contrairement à ce que son expansion urbaine pourrait laisser croire – l’espèce reste menacée : « Le nombre de goélands en milieu naturel pourrait bien se dégrader avec la diminution des stocks de poissons », alerte Frédéric Malher. Le goéland pourrait donc devenir, à long terme, une espèce essentiellement urbaine.

Ce qui laisse augurer des relations bien compliquées avec l’être humain urbain, alors que les violences contre ce voyageur ailé se multiplient. En Belgique, le bourgmestre de Knokke-Heist, Léopold Lippens a appelé l’an dernier à « tuer ces rats du ciel ». A Calais, on a déjà sorti les fusils. « Est-ce parce que le nombre de goélands augmente ou parce que le seuil de tolérance baisse ? », s’interroge Frédéric Malher. Pourtant, c’est bien à cause de nos activités que les goélands se sont invités en villes. Et parce que l’on dégrade leur habitat d’origine qu’ils pourraient y rester.


Quelle est la différence entre un goéland et une mouette ?

Par rapport à la mouette, le goéland :

- Est plus grand
- Est beaucoup plus bruyant
- A un bec jaune avec une pointe de rouge, alors que la mouette a un bec dont la couleur varie du jaune verdâtre au rouge
- Peut nicher sur les toits quand la mouette reste au bord de l’eau
- A l’avant des ailes teinté de noir


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