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Gaz « made in France » : sans fracturation hydraulique point de salut ?
jeudi, 31 octobre 2013
/ Karine Le Loët / Rédactrice en chef à « Terra eco ». |
Un rapport publié ce mardi met les pieds dans le plat : l’exploitation du gaz de houille sans fracturation hydraulique ne s’annonce pas rentable. Et si cette technique venait à être autorisée, elle ne serait pas sans risques.
Février 2013. Arnaud Montebourg dégaine sa nouvelle arme. Après la voiture électrique, et la marinière, le ministre du Redressement productif assure que le gaz aussi peut être made in France. Mais pas n’importe quel gaz. L’homme parle là du gaz de houille : produit lors de la transformation de la matière végétale en charbon et composé majoritairement de méthane, il est plus communément appelé grisou.
Attention à ne pas confondre gaz de houille et de mine. Le premier est issu de gisements de charbon non exploités, le second est récupéré dans d’anciennes galeries minières exploitées. En France, si le gaz de mine est pompé depuis 1992 dans l’ancien bassin du Pas-de-Calais, le gaz de houille lui, n’en est encore qu’à ses balbutiements. C’est la société European Gas Limited (EGL) qui détient aujourd’hui la majorité des permis français d’exploration : dans le Nord-Pas-de-Calais, la Lorraine, la Provence-Alpes-Côte-d’Azur ou encore la Franche-Comté (voir notre carte). Mais c’est seulement en Lorraine que la société a commencé à forer pour tâter la roche. Le début d’une grande aventure ? Pour Arnaud Montebourg, le gaz de houille est une manne. Outre qu’il pourrait, « assurer à la France entre cinq et dix ans de consommation » (voir encadré au bas de cet article), il peut s’extraire sans recourir à la fracturation hydraulique, précisait-il en février. Mais est-ce vraiment le cas ?
Problème : la fracturation hydraulique est interdite en France. Reste sa petite sœur : la stimulation. Le rapport distingue très précisément les deux techniques. Avec la première, explique-t-il, on injecte « sous haute pression de grandes quantités de fluides » mêlés à des adjuvants « qui empêchent les fissures créées de se refermer trop rapidement ». La seconde consiste à « stimuler » avec de l’eau ou autres substances (mousses, gaz…) mais sans ajouter d’adjuvants. « La stimulation consiste à ouvrir des fractures existantes, la fracturation hydraulique à en créer de nouvelles », détaille Didier Bonijoly, directeur adjoint des Géoressources au BRGM et co-auteur du rapport.
En France, la question ne se pose pas… encore. Puisqu’en Lorraine, où EGL a commencé à forer, « la société dit qu’elle n’utilise pas de fracturation hydraulique et elle peut le dire au vu des conditions très particulières du gisement de charbon qu’elle explore », souligne Didier Bonijoly. En clair, sur ce gisement, la « roche forme un grand pli, comme le pli d’un genou. A la charnière, elle est fracturée, et le grisou qu’elle contient peut être drainé sans qu’on ait besoin de fracturation hydraulique », assure-t-il. Le directeur général d’EGL, Frédéric Briens, ne disait pas autre chose à Science et Avenir en janvier : « Ce grisou peut être extrait grâce à des techniques qui n’ont rien à voir avec la fracturation hydraulique du gaz de schiste. » Mais ailleurs ? Car EGL détient aussi des permis dans le Nord, le Jura, près de Marseille… : « Dans les zones plates, peu déformées, la fracturation naturelle est faible, Dans les zones plates, peu déformées, la fracturation naturelle est faible, l’exploitation sera-t-elle rentable sans avoir recours à la stimulation préalable de la roche ? », s’interroge Didier Bonijoly.
Autre problème pour Adeline Mathien, chargée de mission Energie pour France Nature Environnement : « Nous n’avons aucune idée du bilan carbone de l’exploitation du gaz de houille. La France a besoin de gaz pour assurer sa transition énergétique mais pas forcément de gaz fossile. Le souci c’est qu’il n’y a pas vraiment de volonté politique de faire autre chose, comme du biogaz. »