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Parking day : faire le trottoir, pour quoi faire ?
lundi, 30 septembre 2013
/ Claire Huberson (Chronos) / Claire Huberson est consultante et journaliste indépendante spécialiste de la mobilité et de l’innovation urbaine. Chronos est un cabinet d’études et de prospective dont les travaux s’articulent autour de quatre grands thèmes : les mobilités, les territoires, le numérique et le quotidien. |
Occuper des places de parking pour se réapproprier la ville. Ce geste subversif est-il rentré dans le rang ? La réponse de la chroniqueuse Claire Huberson.
« Devenez urbaniste. Demandez l’impossible », « Mettez la ville à l’an vert » clamaient, à Paris, les affiches de la manifestation Parking day ce vendredi 20 septembre. Huit ans après l’action du collectif Rebar à San Francisco, 180 villes dans le monde ont repris l’initiative. La France n’est pas en reste avec des projets dans 45 municipalités.
Mais que reste-t-il, aujourd’hui, de la motivation première, à savoir dénoncer l’omniprésence de la voiture dans les rues ? En s’institutionnalisant, le dispositif est-il encore capable de jouer son rôle de détournement de l’espace public ? Pour y répondre, Chronos est allé tournicoter dans les rues de la capitale à la recherche de places de « parklet » (« parking détourné »).
Un peu plus loin, le long du canal Saint-Martin, Gaëlle et Marie accueillent les passants dans leur belvédère moquetté, créé à partir de matériaux de récupération. Respectivement urbaniste et décoratrice, ces amies ont souhaité créer un observatoire du paysage urbain en détournant les acronymes et pratiques d’observation de la nature. Le PNR (parc naturel régional) devient un Parc naturel rêvassé, la table d’orientation invite à repérer ici un canis lupus urbanus, là des traces de sanglier... Au fil de l’après-midi, la longue vue pointée sur le canal s’agrémente des filtres dessinés par les passants.
Rue Beaurepaire, non loin du centre névralgique de la manifestation où l’association Dédale – relais de l’initiative nationale –, organise des temps d’échanges et de réflexion, les propositions s’échelonnent à quelques encablures de voitures. A côté du stand d’Europe Ecologie - Les Verts et du jardin de la « Guerilla gardening », on tombe sur « La machine à capturer le bleu du ciel » de Riwan Tromeur. A l’invitation de la consultante et galeriste Isabelle Bongard, l’artiste a créé cette installation à partir de miroirs, de bouteilles d’eau et de ballons bleus. « Je me suis demandé ce qu’il pourrait y avoir ici si l’on supprimait les voitures. Et je ne pouvais pas faire mieux qu’offrir le ciel par des jeux de réverbération », raconte l’artiste.
« La machine à capturer le bleu du ciel », de Riwan Tromeur
Barnum de la ressourcerie La Petite Rockette et sa « Zone de gratuité »
La machine à capturer le ciel bleu tout comme le Belvédère sont des actes poétiques qui sollicitent l’imaginaire dans un espace « habituellement trop normé et policé », renchérit Isabelle Bongard. Une action proche de la philosophie des zones d’autonomie temporaire (TAZ) théorisées par Hakim Bey, mais cette fois en toute légalité.
Spontanéité et subversion ne sont pourtant plus tout à fait de mise : « La police passe sans même vérifier que nous payons bien la place de parking, en nous demandant quel thème nous avons choisi ! », relève Gaëlle, créatrice du Belvédère. « Par ailleurs, nous ne sommes pas des militants complètement "anti-voitures", nous voulons surtout amener les gens à réfléchir sur leur espace de vie. » Certains participants agissent encore en activistes, mais la plupart optent pour des parklets dont les évocations oniriques invitent le passant à prendre quelques minutes de plaisir et à se questionner sur la véritable nature de l’espace public.
En s’institutionnalisant, l’exercice est certes moins impromptu, spontané et réactif que ne l’était la forme initiale du parklet. Pourtant, la pérennisation du projet et le nombre croissant et renouvelé de participants sont des marques d’un ancrage et d’un questionnement plus que jamais présent sur les formes que prend l’espace public. A partir de l’installation éphémère, s’articulent des débats de long terme. Ainsi, le Livre Vert édité par Dédale engage à poursuivre ce dialogue instauré ponctuellement entre les acteurs et occupants de l’espace public sur la fabrique de la ville.
Cette tribune a initialement été publiée sur le blog du Groupe Chronos le 25 septembre
Chroniques des villes agiles #1 L’essor des parklets
L’éphémère durable, tactique d’aménagement de l’espace public de San Francisco
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