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A quand un Vendée Globe plus écolo ?
mardi, 29 janvier 2013 / Vincent Varron

Aujourd’hui, c’est l’heure de « l’interro ». Messieurs les marins, les ingénieurs, les organisateurs de course : pensez-vous que la performance des formules 1 des mers peut aller de pair avec un certain respect de l’environnement ?

A bord, ça souffle, ça mouille et puis parfois, quand le soleil pointe son nez, ça sèche. Les marins l’auront vite compris... faire le tour du monde à la voile, c’est tirer partie des énergies renouvelables pour produire de l’électricité. Et ainsi faire tourner leur boutique : moteur, pilote automatique, ordinateur, éclairages à bord... S’il reste certainement des pistes à explorer pour associer performance et énergies renouvelables, le chemin parcouru est déjà énorme. Exemple avec ce dernier Vendée Globe. Tous les monocoques de 18 mètres des participants étaient pour cette édition au moins équipés d’une éolienne, de panneaux solaires ou d’un hydrogénérateur, cet appareil prometteur qui produit de l’électricité au moyen d’une hélice mue par le déplacement du bateau.

Avantage : cela leur permet de diminuer la quantité de pétrole embarqué pour faire fonctionner le moteur thermique qui recharge les batteries. Inconvénient : de mauvaises surprises parfois. Demandez donc à Jean Le Cam, qui a vu ses batteries à plat au milieu de l’océan il y a une dizaine de jours à cause d’un hydrogénérateur déficient... Pas évident de résoudre l’équation performance et environnement. A moins d’être super équipé, comme sur Acciona 100% EcoPowered, le voilier de Javier Sanso. Cet Espagnol est le premier coureur en passe d’enrouler le globe sans un litre de gasoil embarqué. Ceci grâce à 12 m2 de panneaux solaires au long de la coque, inclinables en fonction de la position du soleil. Grâce aussi à deux éoliennes capables de produire 350 watts chacune, et à deux hydrogénérateurs sous la forme d’hélices rétractables, délivrant jusqu’à 400 watts. L’énergie générée par ces trois sources est ensuite stockée dans des batteries au lithium de dernière génération.


Les secrets d’ACCIONA 100% EcoPowered par VendeeGlobeTV

« Ce bateau propre résulte d’un gros travail sur les technologies en amont de la course. Ce qui montre qu’il existe encore beaucoup de pistes à explorer si on met les moyens nécessaires », commente Catherine Chabaud, ancienne navigatrice, journaliste et porteuse du projet Voilier du Futur. Ajoutant : « Je suis sûre qu’un jour, on aura des cellules photovoltaïques intégrées dans les voiles. »

Des premiers bilans carbone

Tout aussi engagé l’est le navigateur Roland Jourdain : « Un des challenges de demain, c’est d’être plus propre, d’être moins con qu’avant ! » Ancien skipper sur le bateau Veolia-Environnement, il a été l’un des premiers à réaliser une Analyse du cycle de vie (ACV), pour mieux mesurer les impacts environnementaux de sa participation au Vendée Globe en 2008-2009. Pendant trois années tout a été passé au peigne fin : la fabrication du bateau, la logistique, les relations publiques, les vêtements, les déplacements de l’équipe... Au total, cela représente 605 tonnes d’émission équivalent CO2. « C’est pas énorme. Pour avoir un ordre de grandeur, un tour du monde en avion pour une personne (si l’on ne compte que les émissions liées au déplacement et non celles entraînées par la fabrication de l’avion, la construction de l’aéroport, etc, ndlr), c’est 95 tonnes d’émission équivalent CO2, explique Dimitri Caudrelier, ingénieur pour la société suisse Quantis, qui a réalisé cette étude. Mais l’intérêt d’une ACV, c’est d’avoir des bases pour attiser la recherche et le développement. On peut par exemple réduire de 25% les émissions de CO2 en travaillant sur le volet matériaux, sans faillir à la performance recherchée en régate. » Car la course au large est un excellent banc d’essai, bien souvent les progrès qui s’y font s’appliquent ensuite au monde de la plaisance.

Des coques en fibres naturelles ?

Toc, toc, qu’est-ce qu’on a dans une coque de voilier de course ? Réponse du fabricant : des fibres de carbone et de la résine époxy issus des hydrocarbures. Pour l’heure, on ne fait pas plus léger, plus rigide, plus performant. Mais ces matériaux énergivores ont une faible durée de vie : les voiliers de course ne font en général pas plus de deux éditions avant d’être incinérés. Les ingénieurs essaient donc actuellement de les recycler pour les réutiliser dans les aménagements intérieurs non structurels (qui ne participent pas à la rigidité du bateau).

Les remplacer contre des bio-matériaux ne leur semble pas non plus impossible à l’avenir. « On a bien réussi à créer des kayaks en fibres naturelles (lins, résine de maïs...), donc ça viendra bien un jour pour les voiliers », escompte Roland Jourdain, qui élabore des projets de ce type avec la société Kaïros.

Alors ça serait quoi une course écolo ?

« Il ne faut pas mentir : on fait d’abord du sport, pas de l’environnement », concède Antoine Robin, le directeur communication et partenariats du Vendée Globe. Si le site Internet du Vendée Globe parle peu d’éco-navigation, celui de la classe Imoca, une association qui regroupe les monocoques Open de 60 pieds (18,28 mètres) du Vendée Globe, s’aventure sur le terrain « des solutions durables et responsables ». Mais encore, si on voulait aller un peu plus loin, ça donnerait quoi un Vendée Globe un peu plus « vert » ? « La jauge (ensemble de règles qui précisent le cadre technique dans lequel doit s’inscrire un voilier de course, ndlr) de la course idéale prendrait en compte de nouveaux critères, comme un certain pourcentage de bio-composites dans la fabrication des voiliers de course pour l’accastillage, les voiles, les cordages... Ou alors, des bateaux qui seraient en partie recyclés en fin de vie partiraient avec un avantage », imagine Bertrand Jaouen, ingénieur environnement, chargé d’études à EcoNav, un réseau d’association qui promeut l’éco-navigation. Pas bête. Et pour Gaëtan Gouerou, délégué général de la classe Imoca ? « On fait évoluer les règles à chaque édition. Pourquoi ne pas franchir le pas en imposant par exemple à chaque voilier l’autonomie énergétique totale, comme sur Acciona, lors du prochain Vendée Globe ? » Bien noté, donc, rendez-vous en 2016. Avec notre bonnet marin, aux rayures vertes pour l’occasion.