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Avec Rejoué, les jouets ne meurent jamais
mercredi, 9 janvier 2013
/ Karine Le Loët / Rédactrice en chef à « Terra eco ». |
L’association Rejoué redonne vie aux jouets abandonnés par des enfants trop grands ou trop gâtés. Grâce au travail d’hommes et femmes jusque-là écartés du marché du travail.
Quand elle travaillait à la Croix-Rouge, Claire Tournefier s’occupait de recevoir poupées, puzzles, pâtes à modeler généreusement donnés à l’association. Et s’est très vite heurtée à l’absurde. L’association croulait sous les jouets et pourtant, au moment de Noël, elle rachetait des produits neufs à donner aux enfants parce que les jouets récupérés étaient abîmés ou peu sûrs. Claire Tournefier tente alors de s’attaquer à ce gâchis avec une équation à trois branches, mais pas d’inconnu : l’environnement, l’insertion, le jouet. Une étude de faisabilité et un business plan plus tard, Rejoué a ouvert ses portes. C’était le 8 mars 2012.
L’association récupère des jouets passés entre les mains des bambins, grâce à des collectes organisées par des écoles, des entreprises ou directement auprès des particuliers. En 2012, 5 tonnes ont ainsi été amassées dans le sous-sol de Rejoué. « Il y a beaucoup de gaspillage. Un jouet ne dure pas longtemps dans la vie d’un enfant. Simplement parce qu’il a un objectif pédagogique, culturel, de développement… C’est normal qu’un gamin ne joue plus à la poupée ou à la voiture à 14 ans ! Par contre, ces jouets-là sont très solides car ils répondent à des normes strictes de sécurité. Ce sont donc des objets très solides qui ont une durée de vie par essence très courte. Cela fait des candidats parfaits pour une seconde vie », souligne Antoinette Guhl, conseillère en développement durable et en économie sociale et solidaire et co-directrice de Rejoué avec Claire Tournefier.
« Récemment, on a eu une commande pour un foyer de femmes battues. Il y avait les prénoms des enfants destinataires et leur âge, on pouvait lire : “Enzo, 2 ans”, etc. On a pu leur préparer des colis spéciaux, se projeter… », confie Cynthia, 23 ans, chargée des commandes à Rejoué. Avant même de passer la porte de l’association, la jeune femme était cliente, sans le savoir. Elle achetait parfois des jouets revalorisés par d’autres mains que les siennes pour sa fille de 4 ans. Elle en donne aujourd’hui. Et s’y retrouve : « C’est sympa de savoir où ça va. » « Les gens sont très attachés aux jouets de leurs gamins. Ils se disent “je n’ai pas fait tout ça, mis tout cet amour dans ce jouet pour qu’il soit fichu à la poubelle”. Cette revalorisation donne du sens au don », abonde Antoinette Guhl.
Comme Cynthia, comme Zohra, les petites mains qui trient, nettoient, emballent sont celles de salariés en insertion. Une douzaine en tout, employés pour douze mois et formés à quatre postes : vente, valorisation, collecte, gestion des stocks. « Au cours de leur passage, ils devront faire émerger un projet professionnel réaliste », raconte Antoinette Guhl. C’est ainsi qu’une employée a découvert le monde de l’enfance. « En juin, des écoles sont venues pour faire un jeu de piste avec les salariés, passer de pôle en pôle pour voir ce que devenaient leurs jouets chez nous. Une employée a adoré. En juillet, sur son temps de travail, on l’a envoyé faire une colo », raconte Antoinette Guhl. Depuis, elle a passé une première étape du Bafa (Brevet d’aptitude à l’animation socio-éducative) et se dirige vers une formation professionnelle. « On espère qu’après Rejoué, elle aura un contrat dans un centre de loisirs », anticipe la co-directrice. Cynthia, elle, s’apprêtait, le jour du reportage, à quitter les rangs de l’association pour entamer un CAP petite enfance. « C’est un projet de longue date. Rejoué m’a donné un coup de pouce, une recommandation », sourit-elle. Et Zohra ? Celle-ci hausse doucement les épaules en entendant la question : « L’idée, c’est de ne pas revenir au point de départ ».
Où acheter, où donner, toutes les informations pratiques sont sur le site de Rejoué.
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