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Faut-il voler dans les plumes du foie gras ?
lundi, 26 novembre 2012
/ Florence Maître
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Ah, la magie de Noël : la dinde, la bûche… et la tranche de foie du Sud-Ouest ! Mais la pratique du gavage des oies et des canards ne lui donne-t-elle pas un goût amer ? Enquête aux petits oignons.
Pas moins de 82 %. C’est le pourcentage de consommateurs de foie gras en France. Alors, pour approvisionner les étals, les producteurs s’y prennent tous de la même manière : oies et canards sont nourris deux fois par jour à l’aide d’un tube plongé dans le gosier. Or, selon un avis publié, en 1998, par le Comité scientifique européen pour la santé et le bien-être animal, cette pratique provoque diarrhées, lésions de l’œsophage, problèmes respiratoires et surmortalité ! C’est ce qui a lancé les hostilités californiennes. Après avoir demandé en 2004 aux producteurs français de cesser le gavage, l’Etat américain a interdit, le 1er juillet, l’importation et la consommation de foie gras. Dans son sillage, Coop, géant de la grande distribution italienne, a banni le mets à la fin du mois d’octobre, parce qu’il ne respectait pas « le bien-être animal ».
« Une vraie évolution pour le bien-être des animaux », se félicite Xavier Gaudio, le président du Cifog, le Comité interprofessionnel du foie gras, qui réfute le terme de « maltraitance ». « On fait de l’anthropomorphisme ! Les races qui donnent le foie gras ont une morphologie adaptée au gavage. Ces oiseaux se gavent naturellement pour supporter les grandes migrations. Le surplus est prédigéré et stocké dans le foie. Nos exploitations poussent ces capacités naturelles au maximum. » Et d’exhiber des études, signées notamment par l’Inra (Institut national de la recherche agronomique), qui prouvent que s’il est « bien fait », l’acte de gavage ne stresse pas les animaux. Sauf qu’en face, les associations dévoilent des études non moins crédibles, qui démontrent le contraire.
Mais les producteurs français le pourraient-ils ? Non, selon l’article L654-27-1 du Code rural. Car « on entend par foie gras, le foie d’un canard ou d’une oie spécialement engraissé par gavage ». A Airoux, dans l’Aude, Sylvain Lopez sait que ses foies gras risquent leur nom, car il ne gave pas ses 3 000 canards en cage : « Nous les gavons à l’ancienne, à la main. Ils vont librement dans de grands parcs. » La ferme est labélisée bio pour ses autres productions, mais pas pour le foie gras : « Le fait de mettre un entonnoir dans le bec d’un oiseau n’est pas compatible avec les labels bios. »
Pour huit députés européens, dont le Vert Yves Cochet, il faut imiter la Californie et interdire « une pratique immonde et barbare pour des millions d’oies et canards qui subissent des souffrances quotidiennes indicibles ». Leur initiative auprès de la Commission européenne, en octobre, a fait réagir le ministre délégué chargé de l’Agro-alimentaire, Guillaume Garot, qui a rappelé le poids économique du secteur (lire ci-dessous). Le mets gardera donc sa place entre dinde et bûche. Y résisterez-vous ? —
Un foie bleu-blanc-rouge
35 000 personnes travaillent dans le secteur, 100 000 en comptant toutes celles qui vivent de la filière. Dans les 5 000 élevages concernés (surtout dans le Sud-Ouest), 35 millions de canards et 350 000 oies sont gavés pour produire 20 000 tonnes de foie gras par an, soit 75 % de la production mondiale. Quatre autres pays européens sont aussi présents sur le marché : l’Espagne, la Bulgarie, la Hongrie et la Belgique. —
(Chiffres : Comité interprofessionnel du foie gras et ministère de l’Agriculture)
Le site de la Fédération nationale des producteurs de foie gras