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Pascal Canfin, en voie de développement
lundi, 29 octobre 2012
/ Aude Rouaux
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Longtemps journaliste et spécialiste de la finance, le jeune Vert n’était pas favori pour occuper l’ancien ministère de la Coopération. Mais, dans l’ombre de Laurent Fabius, le novice martèle son leitmotiv : la mise à mort de la Françafrique.
Il a une petite gueule d’ange. Un côté enfantin. Les cheveux taillés court et blond vénitien, les épis travaillés, la pupille ironique, l’iris pastel. C’est le regard qui chez lui frappe en premier. De celui qui sait avant qu’on ne lui pose la question. Normal, Pascal Canfin est un ancien journaliste. Avant d’arpenter la planète pour développer le développement, il a passé cinq ans au magazine Alternatives économiques en spécialiste des questions liées à l’environnement et à l’économie sociale et solidaire. Et puis il a franchi le Rubicon. En mai dernier, l’écolo entre au gouvernement. Celui qu’on scrute, qu’on enregistre, qu’on interroge, c’est désormais lui. « Ça m’amuse. C’est être hypocrite de dire qu’on n’aime pas la visibilité. Il faut juste l’apprécier au bon moment. Prenez un joueur de tennis : s’il est concentré sur la conférence de presse d’après-match, il ne gagnera jamais. » Pascal Canfin avoue cependant que la tempête médiatique de la fin du mois de septembre sur la question du traité budgétaire européen l’a moyennement fait rire. Comme Cécile Duflot, la ministre du Logement, il a dû naviguer entre deux eaux. D’un côté, son parti, Europe Ecologie - Les Verts (EELV), qui rejette majoritairement le traité ; de l’autre, le gouvernement qui veut le faire ratifier. « Ç’a été chaud », confie un membre de son cabinet. Finalement, le ministre a tranché : « J’ai choisi la solidarité gouvernementale. »
Pascal Canfin a pris l’air, il revient d’un déplacement officiel à Beyrouth. Il en garde une séquelle : un coup de soleil sur le nez. Sa peau diaphane vient de là-haut. Le ministre est né en 1974 à Arras (Pas-de-Calais) dans une famille modeste. Un père communiste, conseiller municipal, qui assène des « y-a-qu’à, faut-qu’on » aux repas de famille. L’écolo en a gardé une sérieuse allergie au dogmatisme. Pas d’incantations, pas de Grand Soir.
« Ce n’est pas un type sectaire : il pose sa question, il écoute la réponse. Chez les Verts, c’est rare ! Mais il n’est pas né de la dernière pluie, il joue tactique. Il sait que la politique, c’est du long terme », dit de lui un ancien collègue au Parlement européen. C’est dans cette enceinte que le ministre a fait ses armes politiques. En 2009, il est élu député européen sur la liste EELV. Alors que des Rachida Dati se font la belle après l’appel, Pascal Canfin s’implique dans les dossiers économiques de l’Union européenne et crée Finance Watch, une ONG qui lutte pour une meilleure régulation financière.
Au sein des Verts, c’est désormais monsieur Economie. Mais voilà qu’il est rattaché aux Affaires étrangères par Jean-Marc Ayrault. « Je savais que j’étais dans la short list écolo du Président et du Premier ministre. Lorsqu’un numéro masqué est apparu sur l’écran de mon téléphone, la veille de l’annonce du gouvernement, j’ai compris. Le ministère du Développement, ça n’était pas écrit d’avance. Mais j’ai bûché. » Dans la presse, le poil à gratter d’Europe Ecologie Daniel Cohn-Bendit avoue alors ne pas comprendre la nomination. « Le développement, ça n’était pas son centre d’intérêt politique. Yannick Jadot, il a travaillé dans le développement. Il a été en Afrique. J’aurais plus pensé à lui qu’à Pascal », peste-t-il dans une interview sur le site Internet du Journal du dimanche.
Reste à trouver sa place auprès de Laurent Fabius, son ministre de tutelle, un des produits d’appel du gouvernement avec Manuel Valls, Pierre Moscovici et Arnaud Montebourg. « C’est là où le bât blesse. Avant, le ministère du Développement s’appelait ministère de la Coopération, les dossiers étaient essentiellement africains. Mais Fabius a voulu faire de l’Afrique une priorité, il a récupéré pas mal d’attributions. Cela laisse une faible marge d’action à Canfin », avoue un membre du Quai d’Orsay.
Que nenni, rétorque le ministre. Si le ministère a changé de nom, c’est pour marquer la fin d’une ère, celle de la Françafrique, cette résurgence nauséabonde de la colonisation. « Désormais, il n’y a plus de sous-ministre des “ Affaires africaines ”. Mon job, c’est de parler énergies renouvelables avec le Sud, de rendre plus transparente l’aide publique au développement, d’appuyer la taxe sur les transactions financières. Pas les petites magouilles ! » Entre les deux hommes, le socialiste senior et l’écolo junior, les relations sont cordiales. « Laurent Fabius, il vaut mieux l’avoir de son côté. Il sait que je ne suis pas dans la petite phrase, que je ne joue pas le jeu de la polémique. On est comme dans Le Petit Prince, on s’apprivoise mutuellement. » Au Quai d’Orsay, le renard risque pourtant de ne pas peser bien lourd face à l’éléphant. —
En dates
1974 Naît à Arras (Pas-de-Calais)
1997 Diplômé de l’Institut d’études politiques de Bordeaux
2004-2009 Journaliste à Alternatives économiques
2009 Elu député européen Europe Ecologie - Les Verts
2011 Lance l’ONG Finance Watch
Janvier 2012 Publie Ce que les banques vous disent et pourquoi il ne faut presque jamais les croire (Les Petits Matins)
Mai 2012 Nommé ministre du Développement