https://www.terraeco.net/spip.php?article46148
Hommage ultime au haricot tarbais
jeudi, 27 septembre 2012 / Miss Bouffe

Georgette, ma grand-mère, tranchait cette question comme le reste : pas de garbure sans haricots tarbais. Elle jurait même que si l’eau de cuisson ne venait pas des Pyrénées, il était impensable de réussir cette soupe aussi dense que le brouillard sur le pic du Midi d’Ossau. Les légumes y ont bonne place, le talon de jambon de pays aussi. Mais l’ingrédient-roi de la soupe béarnaise, c’est le haricot de la Bigorre voisine. On l’appelle aussi haricot-maïs car la plante s’accrochait aux hampes des maïs qui lui servaient de tuteur. A la fin du XIXe siècle, cette alliance assura l’apogée du fayot. Les terres pyrénéennes en produisaient 3 000 tonnes par an.

Las, on est toujours trahi par ses frères… et le maïs prit l’ascendant. Sa culture intensive et les tracteurs ne tolérèrent plus qu’on achevât la récolte manuelle du grain. Et la garbure faillit perdre son âme. Il a fallu qu’une poignée d’agriculteurs décident, à la fin des années 1980, de diversifier leur production, et que l’Inra, l’Institut national de la recherche agronomique, s’en mêle, pour que la lignée soit remise en culture dans la région. Aujourd’hui quelque 120 hectares produisent 130 tonnes de ces pépites par an. Dans une épicerie fine, j’ai, un jour, pu en acheter pour tenter, contre les impératifs familiaux, de cuisiner une garbure au nord de la Loire. Il m’en coûta ma chemise. Georgette, fille d’épicier palois, n’est plus là. Mais elle n’eût point été choquée qu’on donne au haricot tarbais, rescapé d’exception, le prix et l’hommage qu’on lui doit. —