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Traité européen : un « non » paradoxal
lundi, 24 septembre 2012
/ Arnaud Gossement / Avocat, spécialiste du droit de l’environnement. |
Le Conseil fédéral d’EELV a voté contre la ratification parlementaire du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Un vote paradoxal, notamment du point de vue juridique, pour Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement.
Le vote du Conseil fédéral d’Europe Ecologie - Les Verts est paradoxal : il procède d’une dramatisation de la portée du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) – lequel fixe une règle d’équilibre des finances publiques qui n’est pas nouvelle – et rend plus compliquée la participation du parti à la majorité présidentielle, participation à laquelle il tient cependant.
Il est très important de souligner que le TSCG constitue un accord de droit international, entre Etats européens, qui ne modifie pas directement le droit de l’Union européenne et les règles de fonctionnement de cette dernière (article 2). Dès lors, il importe de ne pas exagérer la portée du TSCG, lequel ne remet pas fondamentalement en cause la répartition des compétences entre l’Union européenne et les Etats. De la même manière, il n’est pas exact de désigner le TSCG comme la cause principale de la « cure d’austérité » qui serait imposée aux peuples frappés par la crise. Si le TSCG fixe un objectif – la réduction de la dette publique – et des principes pour l’atteindre, il n’interdit pas aux Etats de fixer eux-mêmes les conditions de leur justice fiscale et, notamment, de la répartition de l’effort entre catégories de contribuables. De ce point de vue, la critique souverainiste du traité n’est pas fondée. Son article 3 paragraphe 2 précise clairement que ce sont les droits nationaux et non des règles supranationales qui permettront de rechercher l’objectif que les Etats se seront librement fixés au terme de cet accord.
« Considérant que la France est d’ores et déjà tenue de respecter les exigences résultant de l’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, relatif à la lutte contre les déficits excessifs des Etats, ainsi que du protocole n° 12, annexé aux traités sur l’Union européenne, sur la procédure concernant les déficits excessifs ; que ces exigences incluent une valeur de référence fixée à 3% pour le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut aux prix du marché ; »
La décision du Conseil constitutionnel précise également :
« Considérant que le règlement du 7 juillet 1997 susvisé [NDA : règlement (CE) n° 1466/97 du 7 juillet 1997 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques] modifié par les règlements du 27 juin 2005 et du 16 novembre 2011 susvisés fixe à 1% du produit intérieur brut l’objectif de moyen terme de solde structurel ; que les stipulations du paragraphe 1 de l’article 3 du traité reprennent les dispositions prévues par ces règlements et abaissent, en outre, de 1 % à 0,5 % du produit intérieur brut cet objectif de moyen terme ; qu’ainsi, ces stipulations reprennent en les renforçant les dispositions mettant en œuvre l’engagement des États membres de l’Union européenne de coordonner leurs politiques économiques en application des articles 120 à 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; qu’elles ne procèdent pas à des transferts de compétences en matière de politique économique ou budgétaire et n’autorisent pas de tels transferts ; que, pas plus que les engagements antérieurs de discipline budgétaire, celui de respecter ces nouvelles règles ne porte atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale. »
En clair, la règle d’équilibre des finances publiques fixée au sein du TSCG n’est pas nouvelle. Le TSCG est d’abord un acte politique et comporte au surplus un « mécanisme de correction » censé permettre de mieux adopter ladite règle d’équilibre. En toute hypothèse, aux termes de la décision du Conseil constitutionnel, la révision de la Constitution n’est donc plus requise et il ne sera plus exigé que la « règle d’or » soit inscrite dans le marbre constitutionnel. Reste que la lecture de la décision du Conseil constitutionnel amène à s’interroger sur la dramatisation du sens et de la portée du TSCG par certains. Il est paradoxal de s’opposer aujourd’hui et non hier à la règle si critiquée de l’équilibre budgétaire. En réalité, voter contre le TSCG au motif que celui-ci renforcerait une politique d’austérité insoutenable peut produire l’effet inverse de celui désiré : un Etat qui n’aura pas ratifié le TSCG n’en fera donc plus parti et aura plus de peine à en faire évoluer le contenu et l’application. Voter oui au TSCG tout en appelant à son dépassement était une autre analyse possible.
Il n’apparaît donc pas cohérent de voter contre la ratification du TSCG au moyen de cette loi organique fermement défendue par le président de la République et son Premier ministre, sans, par la suite, critiquer les conditions de rédaction des lois de finances à venir. Voter « contre » la règle de l’équilibre budgétaire du TSCG mais « pour » un budget élaboré en fonction de cette même règle n’aurait pas grand sens. La divergence de conception relative à l’élaboration du budget ne serait pas le seul motif d’interrogation quant à la participation des écologiques à une majorité socialiste. Le non des premiers au TSCG peut aussi révéler une divergence de conception relative à la construction européenne. Depuis ses prémices, celle-ci suppose la négociation de compromis entre Etats et une « politique des petits pas » plutôt que la recherche interminable de grands bonds en avant. Il est difficilement contestable que le nouveau président de la République ne pouvait refuser de signer ce traité sans mettre en péril l’Union monétaire européenne et, partant, l’Union européenne elle-même. Une approche pragmatique par opposition à une approche plus romantique.