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OGM : comment le lobby contre-attaque
vendredi, 21 septembre 2012 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Salutaire pour les uns, l’étude de Séralini est tombée comme un cheveu sur la soupe pour les défenseurs des OGM qui n’ont pas mâché leurs mots. Comment s’organise leur contre-attaque ? Décryptage.

Des rats aux corps déformés par la tumeur. Les images tirées de l’étude du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (Criigen) dirigée par Gilles-Eric Séralini ont fait le tour du monde. Et déchainé les passions, en Europe - où les associations se battent pour un bannissement pur et simple des cultures et de la consommation d’OGM - comme aux Etats-Unis - où le débat sur l’affichage obligatoire des aliments transgéniques fait rage [1]. L’étude du professeur Séralini est venu confirmer les craintes de certains et agacer les défenseurs de la transgenèse qui ont très vite dégainé. Revue de leur stratégie.

1. Jouer la carte de la prudence

Régle numéro 1 : ne pas paniquer ni hurler au scandale, il faut stopper l’emballement. Dans les heures qui ont suivi la publication de l’étude, le premier intéressé, Monsanto, s’est montré très mesuré : un porte-parole a déclaré que le groupe allait « examiner [l’étude] attentivement, comme nous le faisons pour toutes les études concernant nos produits et nos technologies ». Prudent, lui aussi, Mark Tester, professeur à l’Australian Centre for Plan Functional Genomics, un institut de recherche sur les biotechnologies qui a pour objectif d’ « assurer que l’Australie demeure compétitive dans la production de céréales » et a recours entre autres à la manipulation génétique s’est demandé pourquoi d’autres études n’avaient jamais montré de pareils résultats.

2. Attaquer le sérieux de l’étude

Une fois l’étude publiée – elle ne l’a été qu’à 15h alors que le Nouvel Observateur publiait l’info dès le matin - les chercheurs s’en sont emparé. Et les critiques ont commencé à pleuvoir. « Cela ne vaut pas un clou, confiait ce jeudi au Figaro, le toxicologue Gérard Pascal. Pour faire une étude de cancérologie sérieuse sur deux ans, il faut des groupes d’au moins 50 rats. Or ici, ils n’en comptent que dix. Du fait des décès spontanés qui surviennent pendant l’expérience, l’échantillon est bien trop faible pour tirer la moindre conclusion. Enfin, la souche de rats utilisée est réputée pour développer spontanément des cancers mammaires. » Or, Gérard Pascal, un ancien de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), aurait contribué « aux autorisations d’un grand nombre d’OGM au sein des comités français d’évaluation », selon le Criigen.

Le Pr Marc Fellous, président de l’Association française des biotechnologies végétales- un institut réunissant 200 membres « convaincus de l’intérêt des biotechnologies végétales pour notre pays et plus particulièrement pour son agriculture »- a pointé, le manque d’information sur le régime alimentaire des rats. « A part le maïs OGM, on ne sait pas ce qu’ils ont mangé. De plus, le maïs renferme des mycotoxines, des substances naturelles fortement cancérigènes. A-t-on mesuré leur concentration ? La publication ne le dit pas. » Devant le vent de critiques, le Dr Joël Spiroux, co-auteur de l’étude a répondu point par point dans les colonnes du Nouvel Obs.

3. Démonter la crédibilité de l’équipe

Pour être sûr d’enterrer les propos, mieux vaut carrément décrédibiliser les auteurs. « Les études de Séralini et de ses collègues militants anti-OGM n’ont pas, dans le passé, résisté aux revues de pairs, a déclaré Dr Julian Little du Conseil de biotechnologie agricole, un lobby industriel britannique pro-Ogm. Elles se sont notamment attirées les critiques de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA, ndlr), de l’autorité sanitaire d’Australie et de Nouvelle Zélande (FSANZ) et du Public Research and Regulation Initiative (PRRI), un forum pour le secteur public de la recherche. » Anthony Trewavas, pour sa part, professeur de biologie cellulaire à l’université d’Edimbourg, a rappelé que M. Séralini est un militant anti-OGM. Une critique que l’on peut renvoyer à son auteur : M. Trewavas, lui, est clairement identifié pro-OGM. Il a notamment signé un article dans AgBioWorld titré « Les OGM sont notre meilleure option » Mais a-t-il néanmoins raison ? Oui sans aucun doute pour ce qui est des produits agricoles transgéniques. Mais pas pour le reste. Gilles-Eric Séralini et son équipe « n’ont rien contre les OGM pour la fabrication de médicaments. L’insuline par exemple, est fabriquée à partir d’OGM. (…) En revanche, Gilles-Eric Séralini et nous autres sommes contre les OGM agricoles, mal étiquetés et dont la toxicité au long court est mal étudiée », explique Joël Spiroux dans les colonnes du Nouvel Obs.

4. Rappeler que les OGM, c’est sûr

Des études ? Il y en a des palanquées et elles prouvent l’innocuité des substances, assurent les critiques. Le lobby britannique en atteste : « Les semences transgéniques font partie des aliments les plus testés de l’histoire de la sûreté alimentaire (…) La Commission (européenne) a financé 130 projets de recherche incluant 500 groupes indépendants de recherche sur 25 ans, ils ont conclut qu’il n’y a, aujourd’hui, aucune preuve scientifique montrant que les OGM font courir des risques plus importants à l’environnement ou à la sûreté alimentaire que les plantes et les organismes conventionnels’ », assure par exemple Julian Little du Conseil de biotechnologie agricole. Même credo du côté de l’association française des biotechnologies végétales (AFBV), un organisme : les « nombreuses études qui ont évalué les effets à long terme des OGM (...) n’ont jamais révélé d’effets toxiques ». Une information que Monsanto s’est empressé de confirmer : « De nombreuses études ’peer-reviewed’ (…) ont confirmé la sûreté des OGM », a martelé Thomas Helscher, porte-parole de la multinationale. Selon le professeur Séralini en revanche, cette étude est « la plus longue et la plus détaillée au monde sur la toxicité d’un maïs transgénique et sur celle du Roundup. » « Le grand scandale, celui dont je ne me remets pas, c’est que les agences sanitaires n’ont jamais exigé des industriels une étude de toxicité de longue durée », expliquait-il dans l’interview au Nouvel Observateur.