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Gaz de schiste : les pays qui l’exploitent et ceux qui s’y refusent
lundi, 17 septembre 2012 / Novethic /

Le média expert du développement durable

Qui a dit « oui », qui a dit « non » ? Un tour du monde de l’exploitation de ces gaz non conventionnels dans le monde.

Les réserves de gaz de schiste font miroiter aux gouvernants et aux industriels d’énormes ressources. Didier Houssin, directeur des marchés et de la sécurité énergétique à l’Agence internationale de l’énergie (AIE), rappelait le 7 septembre qu’avec les gaz de schistes « nous disposons de plus de deux cents années de réserves de gaz, contre seulement quarante-cinq années pour le pétrole ». Quels sont les pays qui se sont lancés dans l’exploitation de ces gaz ?

- Les Etats-Unis se sont engouffrés depuis dix ans dans une exploitation à grande échelle des 23 000 milliards de mètres cubes que recèlent leurs sous-sols. L’exploitation des gaz de schiste est largement soutenue par la Maison blanche, cette stratégie permet au pays d’être autosuffisant en gaz depuis 2010. Mais l’opposition à la fracturation hydraulique s’organise dans un pays troué de plusieurs centaines de milliers de puits. Le Vermont est ainsi devenu le premier Etat à interdire cette technique en mai dernier. Cet été, la contre-expertise d’une étude scientifique démontrant l’innocuité de la fracturation hydraulique a fait beaucoup de bruit en révélant les collusions criantes entre les scientifiques et l’industrie pétrolière.

- Par comparaison, l’exploitation des gaz des schistes au Canada est encore embryonnaire. Les gaz de schiste y font l’objet d’une forte défiance de la population, attisée par la découverte l’année dernière de fuites dans 11 des 31 puits du Québec. Le Parti québécois récemment élu pourrait prochainement décréter un moratoire, promis pendant la campagne. Aujourd’hui, il n’y a pas de régulation fédérale sur l’exploitation des gaz de schiste. Le gouvernement d’Ottawa pourrait néanmoins intervenir à la suite des résultats d’une étude environnementale attendue pour l’année prochaine.

L’étude montrant l’impact environnemental de la fracturation hydraulique publiée le 7 septembre par la Commission européenne étaye les arguments des opposants au gaz de schistes européens.

-  En France, la fracturation hydraulique est interdite depuis juillet 2011 en France. Si le débat sur les gaz de schiste n’est « pas tranché », le gouvernement a éclairci sa position lors de la conférence environnementale des 14-15 septembre en annonçant l’annulation de sept demandes de permis en France.

- En Grande-Bretagne, le 4 septembre dernier, David Cameron a nommé à la tête du ministère de l’Environnement et de l’Energie deux membres de son parti ouvertement favorable à l’exploitation du gaz de schiste. Au Royaume-Uni, les explorations ont débuté en 2010. Mais, suite à des secousses sismiques causées par la fracturation hydraulique dans le nord de l’Angleterre, l’exploitation du gaz a été suspendue dans l’attente d’études environnementales complémentaires.

- Même prudence en Allemagne, où, s’il n’y a pas d’interdiction formelle de la fracturation hydraulique, le pays a stoppé tous travaux en attendant les conclusions d’un groupe de travail réunissant scientifiques, industriels et politiques. Une étude publiée la semaine dernière par le ministère de l’Environnement a conclu que la fracturation hydraulique risque de contaminer les nappes phréatiques et réclame une réglementation très stricte.

- L’Irlande, l’Autriche, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et l’Espagne sont ouverts à l’exploration.

- Deux moratoires en Europe centrale. Plus à l’est, la Pologne est le pays européen le plus pro-gaz de schiste, dopé par des premières estimations mirobolantes de l’Agence américaine d’information sur l’énergie (AIE).. Les réserves, qui devaient assurer trois cent ans d’exploitations, ont cependant été revues à la baisse par l’Institut national de géologie, en divisant par dix les milliers de milliards de mètres cubes annoncés. Exxon vient d’ailleurs d’annoncer son retrait de la Pologne, les gisements explorés étant inexploitables. Le gouvernement de Varsovie maintient néanmoins son projet d’une exploitation commerciale en 2014, décidé coûte que coûte à s’affranchir des ressources gazières de son voisin russe.

- En Europe centrale, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie abriteraient à eux trois environ autant de gisements que la Pologne. La Hongrie est favorable au gaz de schiste avec de nombreux permis d’exploration et d’exploitation accordés depuis 2009. Par contre, 2012 aura marqué un coup d’arrêt en Bulgarie et en Roumanie. En janvier, le gouvernement bulgare a en effet interdit la fracturation hydraulique. En mai, c’est au tour du gouvernement roumain d’imposer un moratoire. Cette décision est intervenue suite à d’importantes protestations publiques contre la fracturation face aux risques sismiques déjà très élevés dans la région. Chevron a suspendu la prospection des gisements de gaz de schiste en Roumanie dès avril 2012.

- Sous la pression de l’industrie pétrolière, le gouvernement sud-africain a levé le 8 septembre le moratoire sur l’exploration des gaz de schiste. Le pays compte produire la moitié de son électricité grâce à ces gaz dont les réserves sont estimées à 14 000 milliards de m3 dans le Karoo. Le moratoire avait été obtenu en 2011 par les environnementalistes et les propriétaires terriens qui arguaient entre autres que cette région semi-aride n’avait pas l’eau nécessaire à la fracturation hydraulique.

- L’Afrique du Nord possède également des réserves importantes de gaz de schiste sous le Sahara. En juin 2012, Shell a annoncé travailler avec les autorités algérienne et tunisienne en vue d’exploiter ces gisements. En Algérie, un premier puits a été creusé cet été en collaboration avec l’industriel hollandais. Le ministre algérien de l’Energie et des Mines se félicite de l’exploitation d’une ressource qui représenterait quatre fois les réserves conventionnelles actuelles de son pays. Mais des scientifiques s’inquiètent là encore de la pression sur la ressource en eau pour un pays qui couvre juste ses besoins en eau potable.

- Les réserves chinoises seraient les plus importantes au monde, estimées à 25 000 milliards de mètres cubes. L’empire du milieu commence pourtant seulement à s’intéresser à cette ressource, son exploitation étant encore très chère par rapport à d’autres ressources, en particulier le charbon. De leurs côtés, les compagnies pétrolières étrangères essaient d’obtenir un assouplissement des restrictions pour les opérateurs étrangers dans le pays. En mars 2012, Shell a sécurisé le premier contrat d’exploitation avec China National Petroleum Corp, le premier groupe énergétique du pays.


L’innocuité de la fracturation hydraulique est aujourd’hui indéfendable

L’industrie commence à manquer sérieusement d’arguments pour convaincre que la fracturation hydraulique est sans danger sur la santé et l’environnement. Le 7 septembre, la Commission européenne a en effet publié ses conclusions sans appel sur les impacts environnementaux de l’extraction des gaz de schistes. L’étude juge « trop élevés » les risques de contamination des sols et des eaux souterraines, l’appauvrissement des ressources en eau, la pollution de l’air et les pollutions sonores, l’occupation des terres, la perturbation de la biodiversité... Plusieurs députés européens ont réagi aux conclusions de ce rapport. « Il est salutaire de pouvoir mettre en sourdine les arguments erronés, pour ne pas dire mensongers, de l’industrie », se sont félicités les écologistes Michèle Rivasi et Yannick Jadot. Pour Corinne Lepage – du groupe Alliances des libéraux et démocrates –, également vice-présidente de la Commission environnement du Parlement européen : « La Commission européenne n’a maintenant plus le choix et doit impérativement adapter la législation européenne avant que certains Etats ne se lancent dans l’exploitation des gaz de schiste. » Par ailleurs, un rapport scientifique américain rassurant sur l’impact environnemental de l’exploitation des gaz de schiste s’est révélé erroné. Publiée en février 2012 par l’Energy Institute de l’université du Texas, l’étude tranchait qu’il n’existait « aucune preuve de contamination des eaux souterraines par la fracturation hydraulique ». Une analyse critique publiée fin juillet par une ONG américaine montre les négligences de l’étude et surtout les conflits d’intérêts du directeur adjoint de l’équipe scientifique, membre du conseil de direction d’une société de forage. Pire, 13 des 16 membres du conseil scientifique de l’Energy Institute ont des liens forts avec l’industrie pétrolière. Cette affaire a fait beaucoup de vagues Outre-atlantique, l’étude en question étant largement utilisée par l’industrie pour se dédouaner de toutes pollutions environnementales.


Cet article de Magali Reinert a initialement été publié sur Novethic, le média expert du développement durable.


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