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A Augan, l’épicerie joue le site de rencontres
lundi, 5 mars 2012 / Julie Lallouët-Geffroy

En Bretagne, trois amis ont créé le « Garde-Manger », un lieu de rencontres, à la fois bar, épicerie, salle de conférences. Il vient d’être récompensé par un prix de l’innovation sociale.

« On en avait marre de refaire le monde dans un bar autour d’une bière, il fallait faire quelque chose, quelque chose de simple. » Professeur de sociologie à l’université de Montréal, Mathieu Bostyn décide en 2010 de s’associer avec deux amis pour créer une épicerie à Augan, un village de 1 400 habitants dans le Morbihan. Au « Garde-Manger », on trouve des produits bios et locaux, le tout installé autour d’un bistrot, pour boire des coups, assister à des conférences, des concerts, des ateliers couture.

A première vue, on pourrait croire avoir affaire à une bande de hippies qui s’est trompée d’époque. Et oui, ils sont jeunes, souriants et barbus. Mais que nenni. Au-delà du cliché un peu facile, il y a beaucoup de réflexions et de travail. Même petit, le village compte 35 associations. La population plutôt jeune qui s’installe cherche, en plus d’une qualité de vie, à consommer responsable. Un terreau favorable pour s’implanter et porter ces valeurs.

Des valeurs inscrites dans les statuts de la coopérative

« On est contre la grande distribution, on veut maintenir le commerce de proximité, nourrir la communauté dans laquelle on vit », ces principes sont inscrits, noir sur blanc, dans les statuts de leur coopérative, « le Champ commun ». Autre ligne directrice, « on veut recréer un lieu social dans le village, une place publique. Vous savez comme avant : il y avait le bar du boulanger, celui des chasseurs. On voulait faire pareil. »

Ça c’est l’idée. Dans les faits, la coopérative compte 8 salariés, 93 associés, 11 producteurs à moins de 50 km. Au total, 50 fournisseurs et un chiffre d’affaires de 400 000 euros annuel. Mais côté salaires, « on se verse en moyenne 600 euros par mois chacun. On cravache pour que l’épicerie fonctionne. Les gens ont vu qu’on n’était pas que des beaux parleurs. »

« Pour la population, on était un danger »

A l’entame du projet, « on était perçus comme un danger, les gens étaient méfiants », se souvient Mathieu Bostyn. Le maire de la commune, Michel Ruaud, confirme et nuance, « on n’a rien fait pour les aider financièrement, mais on a mis à leur disposition ce dont ils avaient besoin. On attendait de voir ce que ça allait donner. »

Pour éviter de faire concurrence aux commerces existants, comme la boulangerie, l’épicerie ne vend pas de pain blanc. « On a rencontré deux fois le boulanger avant d’ouvrir pour se mettre d’accord », explique Mathieu Bostyn. Même chose avec le boucher. « On voudrait vendre de la viande locale et bio, mais pas sans lui, l’idée est de travailler ensemble sur ce projet. »

Aujourd’hui, pas de tension avec les commerçants, ni avec les habitants. Au contraire. Le « Garde-Manger » s’est fondu dans le paysage et remplit l’objectif qu’il s’était fixé : créer un lieu social et de rencontres.

Anne fait partie des clients habituels. A 79 ans, elle habite à 500 mètres de l’épicerie. « C’est très convivial, les jeunes, ils sont gentils. Je viens tous les dimanches au bar avec mes amies. Par contre, leurs conférences-débats, ça non, j’y vais pas, c’est pour les jeunes ça. »

Les conférences pour les jeunes, mais le bistrot pour tous. Une des fiertés de la coopérative, ce sont les clients du comptoir. « Il y a les papys qui viennent prendre une bolée de cidre le samedi, les mamies du jeudi et du dimanche, les jeunes qui font la fête le vendredi soir. » Une première étape réussie. Et ils ne comptent pas s’arrêter là.

L’an II, une auberge et une brasserie

Pour la deuxième étape, l’an II, les membres de la coopérative comptent agrandir le bar. En mars, la première cuvée de leur bière sera à déguster et bientôt une auberge pourra accueillir les voyageurs. Les 20 000 euros du prix de l’innovation sociale, qu’ils viennent de recevoir, vont permettre de faciliter ces travaux, mais aussi de verser une petite prime, histoire de souffler un peu. Objectif 2015 : fin de tous les travaux.