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La bulle carbone qui menace
vendredi, 20 janvier 2012 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Les marchés investissent massivement dans les entreprises liées aux énergies fossiles, qui n’ont pas d’avenir dans une économie moins carbonée. C’est donc une bulle spéculative qui forme, selon de nombreux experts.

C’est une menace à laquelle personne n’avait pensé jusque-là, mais qui commence à être prise très au sérieux. La crise des subprimes n’a pas fini de frapper nos économies qu’une nouvelle bulle financière serait en train de naître. En effet, les valeurs boursières des énergies et minerais fossiles - et des entreprises de ce secteur - ne cessent de gonfler. Mais pour limiter le réchauffement climatique à 2°C, il faudra que l’humanité freine l’utilisation de ces ressources. Pour rester dans les clous, il faudra même renoncer à une bonne partie d’entre elles.

Or, un bien non utilisable n’a, par nature, pas de valeur. Ces biens qui valent très cher aujourd’hui pourraient donc devenir invendables en quelques mois : alors, la bulle éclaterait. C’est l’ONG anglaise Carbon tracker qui a lancé l’alerte la première en décembre dernier. Ce vendredi, une lettre ouverte vient d’être adressée au gouverneur de la Banque d’Angleterre par une vingtaine d’élus, experts, scientifiques et investisseurs britanniques de renom qui signalent à leur tour la même menace. Pour eux, cette bulle qui se forme pourrait menacer l’économie britannique, et donc le monde entier - Londres étant la première place boursière mondiale.

Changer de cap

En effet, pour respecter les limites d’émission de gaz à effet de serres tolérables par notre planète, seuls 20% des réserves fossiles actuelles pourront être consommées. Si bien que plus 80% des réserves deviendraient inutilisables, et donc perdraient leur valeur ! Le krach potentiel serait énorme.

« Les investisseurs continuent de placer leur argent dans des valeurs non durables, sans mesurer les risques qui pèsent sur elles comme le changement climatique, la volatilité des prix ou encore les catastrophes comme celle de Deepwater Horizon », alertent les auteurs de la lettre. Preuve de ces investissements colossaux, cinq des dix plus grosses capitalisations boursières de la place londonienne reposent toutes sur des activités « fortement carbonées ».

Mais tout n’est pas perdu. Cette lettre ouverte appelle le gouverneur de la Banque d’Angleterre à anticiper le krach qui vient. Il faut couper le cercle vicieux qui voit les matières premières se raréfier - et donc coûter plus cher -, et les investisseurs placer toujours plus de fonds dans ces valeurs en espérant des plus-values. Les auteurs proposent donc de préparer la finance à la transition, en réfléchissant aux meilleures solutions pour inciter les investisseurs à ne pas suivre leur intuition, et à diriger leurs fonds vers des valeurs plus vertes.