Dans la lignée des grandes explorations universelles, le vaisseau imaginé par Jacques Rougerie devrait débuter ses explorations sous-marines en 2013. « Un défi planétaire », pour l’architecte français.
Il y a du Jules Verne dans SeaOrbiter. Ce vaisseau est une plateforme d’observation océanique, dérivant au gré des grands courants et donnant un accès inédit au monde sous-marin. A son bord, 18 membres d’équipage, aptes à vivre « sous la mer » 24h/24 et durablement. Cette maison sous-marine nomade, dont la construction commencera début 2012, est l’œuvre de l’architecte Jacques Rougerie.
Terra Eco : Où en est le projet SeaOrbiter actuellement ?
Jacques Rougerie : Les études techniques et de faisabilité ont été concluantes. Nous sommes en train de finaliser l’appel d’offres pour le chantier. Il devrait débuter dans moins de six mois. Si tout se passe bien, nous participerons ensuite à l’Exposition Internationale YEOSU 2012, en Corée du Sud. Le thème de l’Expo est celui des « côtes et des océans vivants » : nous y présenterons une grande maquette 1/10 de SeaOrbiter.
Pourquoi se tourner ainsi vers l’international ?
Parce que nous ne voulons pas d’un système de recherche national ! Il faut développer au contraire des plateformes de recherche internationales : le champ d’exploration auquel nous nous attaquons est très vaste. A l’heure actuelle, on ne connaît pas les grands abysses. Les explorer permettra de préparer le futur, en exploitant correctement les énergies renouvelables issues de la mer. C’est un champ nouveau, qui appartient au bien commun de l’humanité ; avec SeaOrbiter, nous voulons donc être complètement transparents sur les données recueillies, et nous ouvrir au plus grand nombre d’institutions scientifiques. Dans cette optique, nous préparons par exemple une collaboration scientifique avec la Chine – un pays terriblement concerné par les problèmes de climat et de pollution. Parmi d’autres, il est donc logique de faire participer ce pays à l’élaboration de notre sentinelle des océans.
Vous dîtes que SeaOrbiter devra « alerter sur les conséquences de nos actes par rapport aux océans »...
Oui, et c’est le National Geographic qui tiendra ce rôle aux côtés de SeaOrbiter, en divulguant largement les informations scientifiques récoltées par le vaisseau. Depuis le mois de mai, le magazine est officiellement l’un de nos deux partenaires. L’autre étant Rolex ; une entreprise dont les origines sont le monde sous-marin
[avec l’invention de la première montre étanche dans les années 20, nldr] et qui a toujours accompagné et soutenu les grandes expéditions : pensez au Commandant Cousteau ou à Jacques Piccard. C’est un partenaire tout à fait légitime.
Et une fois la construction terminée ?
Nous devrions faire les premiers essais en octobre 2013, en Méditerranée. Cela permettra de vérifier toute la logistique, de tester les différents outils scientifiques et de faire des essais sous-marins. Partant de Monaco, SeaOrbiter explorera l’espace méditerranéen pendant six mois, faisait escale à Gênes, Istanbul, Beyrouth, ou Alexandrie. Les attentes sont fortes dans ces régions... mais elles le sont en fait jusqu’à Hawaï ! Les chercheurs américains qui participent au programme Gulf Stream
[dont le lancement est prévu pour 2013, ndlr] me demandent déjà d’imaginer un SeaOrbiter 2, pour explorer le Pacifique.
Haute de 51 mètres, la structure de SeaOrbiter comportera une partie immergée de 31 mètres : une zone pressurisée qui devrait accueillir 8 « aquanautes », pour de longues périodes d’observation des fonds. Dix autres personnes – vivant elles dans la partie supérieure – complèteront cet équipage international. Opérées par câble, des caméras robotisées effectueront des prises de vue jusqu’à 600 mètres de profondeur.