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La Chine se rêve en réacteur du monde
vendredi, 17 juin 2011 / Novethic /

Le média expert du développement durable

Oublié l’accident nucléaire de Fukushima ? La Chine a décidé de mettre un coup d’accélérateur sur ses projets de centrales et part à l’assaut de nouveaux marchés sur le continent asiatique. Une véritable course en avant, non dénuée de risques.

Contrairement à l’Allemagne et à l’Italie, l’Asie est loin de remettre en cause le nucléaire. La Chine a au contraire balayé les dangers de l’atome et accéléré ses projets de centrales. « Fukushima a dopé les tenants du saut technologique de la 2ème génération à la 3ème génération », explique l’économiste français Joël Ruet, chercheur au Centre d’étude sur la Chine contemporaine. Une « G3 » comme disent les spécialistes, qui se veut une version « low-cost » des fameux EPR français « hors de prix ». Une technologie moderne, plus sûre, et relativement bon marché, dont la Chine a acquis les brevets pour l’exploiter via ses deux géants du nucléaire que sont CNNC (China National Nuclear Corporation) et CGNPC (China Guangdong National Power Corporation). La moitié des projets de centrales dans le monde est aujourd’hui en Chine et le pays maintient le cap en promettant de passer de 15 à 70 de gigawatts d’ici à 2020 et à 200 GW en 2030. Soit l’équivalent de trois fois le parc nucléaire français actuel !

Et la Chine voit encore plus loin. Pékin compte exporter sa technologie G3 de l’Afrique du Sud au Pakistan en passant par l’ensemble des pays du Sud-est asiatique. La Thaïlande, la Malaisie, Singapour et le Vietnam sont d’ores et déjà en discussions avancées avec la Chine pour construire des centrales « low-cost ».

La Chine : nouveau réacteur de la planète ?

Ces centrales connues sous le nom de code CP1000 produisent environ 1 GW d’électricité et sont basées sur une technologie française des années 90, développée par EDF et remise au goût du jour par les Chinois. Une centrale devrait pouvoir alimenter l’équivalent d’un million de foyers en électricité. « L’intérêt pour la Chine est de vendre directement sa technologie à l’étranger sans avoir de compte à rendre à d’autres industriels. Si elle voulait exporter des réacteurs de type EPR elle devrait négocier avec Areva. Mais là, elle est complètement autonome », nous explique un expert Français.

« A ce rythme, la Chine pourrait rapidement devenir le premier constructeur mondial de centrales, assure George Borovas, responsable des dossiers nucléaires au sein du cabinet PWSP. La puissance financière et industrielle de la Chine en font un acteur incontournable, non seulement pour les pays en développement, mais aussi pour les pays développés. » L’usine du monde ambitionne déjà de devenir le réacteur de la planète.

Reste le problème des normes de sécurité et des contrôles. La Chine vient de terminer deux réacteurs de 0,3 GW chacun au Pakistan et commence la construction d’un troisième. Le pays est pourtant situé en pleine zone sismique et n’a pas ratifié, en outre, le traité de non prolifération nucléaire. Rien ne prouve donc que ces centrales n’auront pas un usage militaire. Au Vietnam, où la pénurie d’électricité est récurrente, on mise également beaucoup sur la technologie chinoise. 14 centrales sont en travaux avec l’aide de la Chine, mais aussi de la Russie et du Japon. Là encore rien ne garantit la sécurité des centrales et le régime de Hanoi n’est pas réputé pour sa grande transparence.

Inquiétudes et critiques

Des voix s’élèvent cependant sur les risques nucléaires. La critique la plus virulente a été émise par le professeur He Zuoxiu. Ce physicien de renom est l’auteur d’une tribune dans le Science Times, dans laquelle il tire la sonnette d’alarme. Selon lui, ce « grand bond en avant du nucléaire » risque de se terminer par un désastre. Il estime que la technologie chinoise est loin d’être mature, que le pays n’a pas pris en compte les faibles ressources en uranium et, plus grave, que les études concernant la résistance des centrales aux tremblements de terre n’ont jamais été rendues publiques. La Chine, qui compte déjà 14 réacteurs nucléaires en activité, en construit actuellement 26 et 28 autres sont en projet. Plusieurs centrales sont situées dans des zones sismiques à risques. « Sommes-nous réellement prêts à affronter les conséquences de cette vitesse étourdissante dans le développement du nucléaire ? », s’interroge le professeur He. En Chine où la société civile est muselée, c’est la première critique ouverte lancée contre les projets gouvernementaux dans le nucléaire. Un texte qui a fait l’effet d’une bombe dans ce secteur. Certains ingénieurs avouent, du bout des lèvres, que le plus gros risque reste la résistance des centrales aux tremblements de terre. Les séismes sont fréquents dans cette partie du monde.

Cet article de Stéphane Pambrun a initialement été publié le 16/06/2011 sur le site de Novethic, le média expert du développement durable.


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