https://www.terraeco.net/spip.php?article17288
En ville, histoire d’une biodiversité ordinaire
mardi, 10 mai 2011 / Angela Bolis /

Journaliste

« Sauvages de ma rue », le nouvel observatoire de sciences participatives lancé par le Muséum national d’histoire naturelle, s’intéresse aux orties, pissenlits et herbes folles qui égaient nos trottoirs dans l’indifférence générale.

On les voit comme des mauvaises herbes, ou on ne les voit pas du tout... A peine avait-on remarqué leur discrète présence, inopinée, en pleine ville. Pourtant, un brin d’attention suffit à prendre conscience qu’elles sont partout, au pied d’un mur, dans une fissure du bitume, entre deux pavés. Insignifiantes ? Les plantes sauvages des villes sont, depuis début mai, au coeur des recherches menées par le département « Ecologie et gestion de la biodiversité » du Muséum national d’histoire naturel.

Pour les étudier, plus il y a de monde, mieux c’est. Dans le cadre du nouvel observatoire de sciences participatives baptisé « Sauvages de ma rue », les scientifiques comptent donc sur le grand public pour recenser les sauvageonnes et les identifier grâce au guide du même nom (éditions Le Passage, sortie le 12 mai). L’expérience, pour l’instant cantonnée à la région parisienne, a vocation à s’élargir aux grandes villes de France dès l’année prochaine. Dans la lignée des autres observatoires participatifs du Muséum – Spipoll et ses photographies d’insectes pollinisateurs, l’observatoire des jardins dédié aux escargots, coléoptères et papillons – les chercheurs ont appris à jongler avec une grande quantité de données... et de grandes marges d’erreurs. Depuis 2006, un million de papillons ont ainsi été comptés. Mais dans le cadre de Spipoll, 20 à 40% des insectes ont été mal identifiés.

Dans les couloirs du Muséum, au laboratoire « Conservation des espèces, restauration et suivi des populations », étudiants et scientifiques s’affairent autour d’herbiers, d’épais livres de botanique et de feuilles glanées dans des cimetières ou des jardins partagés. Nathalie Machon, chercheuse en écologie, papillonne dans ce fief de la recherche sur la biodiversité urbaine. Elle est à l’initiative de l’opération « Sauvages de ma rue ».

Terra eco : Quels résultats attendez-vous de cet observatoire ?

Nathalie Machon : On cherche à évaluer le rôle des interstices urbains dans l’épanouissement de la biodiversité en ville. Si on ne les nettoie pas systématiquement, peut-être permettent-ils à certaines espèces de se propager. Pour l’instant, j’ai une hypothèse : les espèces qui ont des graines très mobiles, comme le pissenlit, n’ont pas besoin de ces interstices pour passer d’un espace vert à un autre. Les espèces qui ont des graines lourdes, comme le marronnier, s’en fichent aussi. Mais celles dont les graines doivent être transportées ou qui comptent sur les insectes pollinisateurs ont besoin de ces petits espaces pour s’essaimer. C’est par exemple le cas de la bardane, dont les fruits à crochets s’agrippent aux poils et aux vêtements... et dont se sont inspirés les inventeurs du velcro.

Quel est l’état de santé de la biodiversité des plantes sauvages en ville ?

On a recensé 1000 plantes sauvages à Paris. C’est peu par rapport aux espaces naturels, mais c’est mieux que dans les zones cultivées. Ceci dit, cette biodiversité reste relativement commune. Même les orchidées, qui poussent surtout au bois de Vincennes ne sont pas vraiment rares. Les plantes qui s’épanouissent le mieux en ville, comme le plantain, ont la particularité de ne pas être difficiles : elles tolèrent bien la chaleur, la sécheresse, les sols piétinés ou riches en azote. Elles n’ont pas besoin d’insectes pollinisateurs ou d’animaux « disperseurs de graines » trop spécialisés. Elles sont « généralistes », c’est-à-dire qu’elles supportent de grands écarts de température, d’humidité, etc. Par ailleurs, il n’y a pas d’espèces endémiques à la ville. Mais certaines sont si bien adaptées qu’elles envahissent tout, comme les arbres à papillon. Dans ce cas, sans aucune intervention de l’homme, elles prennent le pas sur les autres plantes et ne favorisent pas la biodiversité. Car en ville, les mécanismes de régulation naturelle – comme les feux ou les animaux qui mangent les jeunes pousses – n’existent pas.

Pourquoi faire participer le public à cet observatoire ?

Tout d’abord parce qu’on recueille ainsi beaucoup plus de données, que l’on pourra comparer entre les différents quartiers. Mais aussi parce que le Muséum a une mission d’information du public. On cherche à connecter les gens à la nature, en espérant qu’en connaissant mieux la flore qui nous environne, on apprendra aussi à la respecter. Prendre en considération les plantes sauvages des rues, c’est une question de culture : jusqu’à très récemment, on ne laissait pas du tout s’exprimer la flore en ville. Aujourd’hui, Paris n’utilise plus d’herbicides chimiques... Mais certains citadins envoient des lettres de plainte contre les herbes folles, et achètent des tas de produits phytosanitaires très nuisibles pour éliminer de leur jardin tout ce qui n’est pas du gazon. Or une ville sans biodiversité est invivable... Des études ont montré que la présence de nature dans son quartier améliore la santé et la qualité de vie des citadins, et joue même un rôle sur la paix social et la criminalité dans les villes !

- Pour participer à l’observatoire Sauvages de ma rue


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