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Le grand marché de la pauvreté
jeudi, 27 octobre 2005 / Arnaud Gonzague

Leur pouvoir d’achat est rikiki, mais ils ont besoin de tout. Les démunis du globe sont, pour les multinationales, autant de consommateurs potentiels.

C.K. Prahalad, 4 milliards de nouveaux consommateurs, Vaincre la pauvreté grâce au profit, Village Mondial, 380 pages, 30 euros.

Il était un fois un constructeur français qui avait prévu de construire une voiture rudimentaire et peu chère, la Logan, pour les pays en voie de développement. La voiture se vendit bien, mais ô surprise ! les consommateurs des pays riches se ruèrent également sur l’engin : rien qu’en France, Renault a reçu 10500 commandes depuis le début de l’année. Moralité : on s’enrichit toujours à penser aux plus pauvres que soi.

Ce pourrait être la conclusion de l’ouvrage de C.K. Prahalad, fondateur du cabinet américain Praja, professeur de business et éminence du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Sa thèse est à la fois simple et audacieuse : plutôt que de considérer que les 4 milliards de pauvres sur Terre sont autant de porte-monnaie perdus pour la consommation, pourquoi ne pas les envisager comme une niche immense à conquérir ? "Convertir les pauvres en consommateurs revient à créer des marchés", résume-t-il.

"La première leçon consiste à s’adapter à une croissance extrêmement rapide de leurs marchés, de 50 à 100% par an, sans commune mesure avec les 2 ou 2,5% auxquels nous ont habitués les marchés parvenus à maturité". Alléchant !

A la base, pas de pigeons

Mais attention, rappelle C.K. Prahalad, il est tout sauf simple de séduire ce qu’il nomme le "BOP" (base of pyramid, la base de la pyramide des richesses) : s’il suffisait de refiler les mêmes produits au Nord et au Sud - et les refiler de la même manière -, la consommation mondiale serait développée depuis belle lurette. Et qu’on se le dise : "Le nouveau produit conçu pour le BOP est de meilleure qualité et présente, en outre, un meilleur prix-performance". En clair, faudrait pas prendre les démunis pour des pigeons !

On regrettera simplement que l’ouvrage soit aussi bavard (il aurait pu être moitié plus court) et ressasse ad nauseam des imprécations d’un angélisme souvent désarmant. On pourra enfin trouver qu’il passe un peu vite sur une question pourtant essentielle : 4 milliards de nouveaux consommateurs, ce sont aussi 4 milliards de pollueurs. Combien de planètes nous faudra-t-il ?


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