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« La réduction du temps de travail est inéluctable »
mercredi, 5 janvier 2011
/ Julien Kostrèche
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Malgré les cris d’orfraie et les petites phrases, le partage des emplois n’est pas mort, estime la sociologue Dominique Méda. Pourquoi ? Car notre croissance n’est pas soutenable.
Alors que la polémique sur les 35 heures ne semble pas vouloir s’éteindre, Dominique Méda, sociologue et auteur de Travail : La révolution nécessaire (Les éditions de l’Aube, 2010), prend de la hauteur et imagine l’avenir de l’emploi, en France et ailleurs.
Ensuite, aussi longtemps que le travail restera synonyme, pour encore trop de personnes, de mal-être, on trouvera des gens pour continuer à souhaiter que l’emprise du travail ait des limites. Autrement dit, ce n’est que lorsque le travail sera vraiment synonyme d’activité épanouissante que nous pourrions envisager de le laisser occuper toute notre vie. Mais il ne me semble pas que ces dernières années, nous soyons parvenus à rendre le travail réellement épanouissant ou à réhabiliter la valeur travail.
Troisièmement, à mesure que les taux d’activité féminins continueront d’augmenter, nous nous rendrons compte qu’il est impossible de consacrer le temps nécessaire à nos enfants sans revoir la norme de travail à temps complet. Les femmes qui ont joué si longtemps le rôle de réservoirs de temps le pourront de moins en moins. Et l’idée qu’elles pourraient continuer à travailler à temps partiel et à cumuler les deux rôles pendant que les hommes sont déchargés des fonctions domestiques et familiales sera de plus en plus difficile à tenir.
Enfin, et c’est un point très très important, si vraiment la croissance génère – au moins dans l’état actuel des techniques – des coûts environnementaux tels qu’ils rendent une telle situation non soutenable, il nous faudra bien envisager le moyen de nous passer de croissance tout en conservant de l’emploi. De ce point de vue, les scénarios proposés par Tim Jackson dans Prospérité sans croissance ou par Jean Gadrey dans Adieu à la croissance qui nous obligent à réfléchir à des politiques visant à la fois à améliorer la qualité des produits et du travail et à accompagner une raréfaction de la croissance – réduction du temps de travail, désintensification du travail – sont très intéressants. Il me semble qu’on peut en tirer l’idée que nous tenons peut-être une occasion inespérée de changer radicalement la nature du travail !
Réduire le travail, cela ne conduit-il pas nécessairement à réduire les revenus des salariés ?
C’est un des points peu clairs du livre de Tim Jackson. Celui-ci démontre de façon convaincante qu’il nous faut renoncer à la croissance, sans néanmoins souhaiter la décroissance (il parle d’état stationnaire). Une moindre croissance et une réduction du volume de la production et de la consommation doivent-elles s’accompagner d’une décroissance des revenus ? C’est probable. Mais une décroissance des revenus globaux peut s’opérer de manière très diversifiée : il semblerait invraisemblable et inacceptable que la diminution de la consommation et des revenus concernent ceux qui aujourd’hui ne parviennent même pas à satisfaire leurs besoins fondamentaux. La seule option envisageable – qui s’inscrit dans une perspective de société égalitaire –, c’est une forte redistribution des revenus. Mais la seule réduction du temps de travail n’implique pas une réduction des revenus : on doit compter avec les gains de productivité, avec la possibilité de revoir profondément le partage entre salaires et profit et la répartition des revenus eux-mêmes.
D’un autre côté, on continue à faire croire aux personnes qu’il n’y a rien d’autre dans la vie que le travail et que c’est la seule activité qui vaille. Bien sûr qu’avoir en emploi est essentiel. Bien sûr que le chômage est une catastrophe et que l’accès à l’emploi doit constituer une priorité absolue. Et même à un bon emploi. Mais alors, comme je l’explique dans Travail : la révolution nécessaire, au lieu de mettre la maximisation du PIB ou de la consommation comme objectifs centraux de nos sociétés, adoptons la qualité de l’emploi et du travail. Si vraiment nous pensons que l’emploi est un bien fondamental, inscrivons le droit à en obtenir un de qualité au cœur des droits fondamentaux de nos sociétés. Et faisons en sorte que celui-ci soit effectif !
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