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Quand les chasseurs chassent en classe
lundi, 13 septembre 2010
/ Karine Le Loët / Rédactrice en chef à « Terra eco ». |
Mais que font des chasseurs dans une salle de classe ? Ils enseignent la vie des animaux et le respect de la nature, pardi. Ces opérations, menées par la fédération nationale des chasseurs, ont été officialisées par l’Etat en mars. Depuis, les associations se rebiffent.
A l’école, les bambins apprennent qu’un sanglier a une vie en dehors de la panse d’Obélix, que la chouette éjecte une drôle de petite boule, une fois son repas achevé. Ils s’initient aussi au respect de la nature et de ses locataires. Une leçon parfois dispensée par... des chasseurs. La pratique ne date pas exactement d’hier. « Depuis près de vingt ans déjà, nous menons des actions en liaison avec les établissements scolaires », rappelle Françoise Peschadour, directrice adjointe de la Fédération nationale des chasseurs (FNC). Des années en effet que les papas ou les tontons chasseurs exhibent des bébêtes empaillées dans les classes des villages, emmènent les enfants faire un tour de forêt. Le 4 mars, la pratique a été simplement officialisée. Luc Châtel, ministre de l’Education, Jean-Louis Borloo, ministre de l’Ecologie, Charles Henri de Ponchalon, président de la Fédération nationale des chasseurs et Claude Roustan, président de celle de la pêche, ont apposé leur paraphe au bas d’une « Convention de partenariat pour l’éducation au développement durable » (voir document joint).
« Ils ne sont pas connus pour être des pédagogues sensibles à la vie et à la protection de la biodiversité, opine Michel Métais, directeur général de la Ligue de protection des oiseaux (LPO). Ils ne protègent la faune sauvage que si elle n’est pas en concurrence avec leur gibier. » Mais quel intérêt peuvent bien avoir les chasseurs à monter sur l’estrade ? « Le nombre de chasseurs diminuent. C’est une façon de donner une meilleure image de la chasse », assure Madline Reynaud. Les intéressés s’en défendent : « Il est formellement interdit de faire du prosélytisme cynégétique en classe, assure Françoise Peschadour. Il n’est pas question de recruter de futurs chasseurs. » Et la directrice adjointe de poursuivre : « On explique les caractéristiques de l’animal, ses moeurs. Notre matériel pédagogique est similaire à ce que pourrait faire la LPO. On n’y appose même pas notre logo ! »
Admettons. Mais pourquoi donc le gouvernement fait-il appel à des chasseurs pour faire une leçon de nature ? Et les biologistes, les naturalistes alors ? « C’est aux chasseurs et aux pêcheurs qu’appartiennent les plus grandes réserves naturelles du territoire, justifie Alexandre Gelbard, conseiller spécial de Luc Châtel, ministre de l’Education nationale. Ils peuvent donc plus facilement emmener les enfants sur le terrain. Entre montrer la photo d’un oiseau en classe et permettre aux enseignants d’emmener les enfants voir l’oiseau dans son milieu naturel, le choix est vite fait. »
Le débat est loin d’être tranché. D’un côté, fusil rangé au placard, les chasseurs demandent plus de confiance tandis que le gouvernement rappelle que les animations interviennent « à la demande expresse des professeurs, des directeurs d’école ou des chefs d’établissements et dans le cadre d’un projet pédagogique et sous le contrôle d’un conseil scientifique ». De l’autre, poing levé, l’Aspas réclame que ces « opérations illégales, immorales et inutiles » soient tout bonnement stoppées et lance une pétition en ligne. Entre les deux, la classe, et ses têtes fertiles, ressemble à un terrain miné.