Dongtan, district de l’ile de Chongming, près de Shanghai, avait été pensé par le cabinet d’ingénieurs britannique Arup pour devenir une ville écologique modèle : les véhicules auraient roulé à l’électricité, les habitants se seraient nourris aux légumes bio, chaque bâtiment aurait consommé 70% d’énergie en moins que les tours du centre ville. En 2010, 25 000 "Dongtanais" auraient dû être les heureux locataires de bâtiments éco-conçus, et 500 000 en 2040. Sauf qu’entre la remise de copie par le cabinet Arup et la 1ère phase des travaux planifiée, le client Shanghai Industrial Investment Company, n’a plus fait parler de lui. Pour expliquer ce coup d’arrêt, un lien est souvent établi avec la condamnation à 18 ans de prison pour corruption de Chen Liangyu, l’ancien numéro 1 du parti communiste de Shanghai, partisan du projet. Nicolas Samsoen, chargé de mission au cabinet d’architecture et d’urbanisme français Arep, répond à nos questions.
Terra eco : Le patron d’Arup, Peter Head, affirmait au début du projet : "Dongtan est le meilleur espoir que nous avons de mettre en pratique un mode de vie durable". L’abandon du projet sonne-t-il la fin de cet espoir ?
Nicolas Samsoen : "Ce projet était la marque d’une réelle ambition chinoise et j’en tire plutôt des leçons positives. Il y a visiblement une vraie intention de la part de la Chine d’avancer dans la conception de villes durables. En dehors des raisons peu claires pour lesquelles le projet a été arrêté, Dongtan est un tournant radical par rapport à ce qui se fait ailleurs dans le pays. Il est assez naturel qu’il y ait des résistances dans le système de décision, ce n’est d’ailleurs pas propre à la Chine. Nous n’avons pas aujourd’hui le sentiment que cette envie d’évoluer sur la question de la ville durable soit en recul en Chine. Il y a au contraire une prise de conscience que la ville, qui représente environ 50% de la problématique de l’effet de serre, est un facteur important sur lequel il faudra agir. Cette prise de conscience est générale dans le monde et crée une sorte d’émulation positive."
Pensez-vous que construire une ville écologique ex-nihilo n’était pas quelque peu utopique au départ ?
"Le projet était incontestablement très ambitieux, maximaliste, quasi parfait. Inévitablement, s’il avait été réalisé, des choses auraient été modifiées au moment de la mise en œuvre. Si l’on reprend l’histoire des grands projets urbains en France, nous avons eu également des mouvements très enthousiastes. Certains ont fonctionné, d’autres non. C’est normal, le développement urbain n’est jamais linéaire. D’ailleurs, face à la question du développement durable, tout le monde se retrouve un peu comme la poule devant le couteau. Aujourd’hui tous les pays du monde sont en train de chercher à inventer un modèle de ville durable. Parfois ils le font sur des modes d’urbanisation très ambitieux comme le projet de Norman Foster [1], et parfois ce sont des projets qui sont des transformations de la ville sur la ville. Les deux mouvements existent partout dans le monde. Et partout il y a des projets qui vont être abandonnés parce que trop ambitieux ou d’autres qui seront un succès. Le fait de fixer un cap et une ambition au départ n’empêche pas les choses d’évoluer. Je ne crois pas qu’il soit déraisonnable de se dire au départ ’on a envie de faire ça’."
Certaines personnes voient en Dongtan le fruit de la communication du gouvernement chinois, à l’approche de l’exposition de Shanghai. Qu’en pensez-vous ?
"Il y a évidemment plus de possibilité de faire de la communication non contrôlée en Chine qu’en France, du fait de l’absence de contre-pouvoirs. Pour autant, vouloir communiquer expose automatiquement la Chine au regard international. Qu’il y ait des gens qui, aujourd’hui en Chine, cherchent à communiquer sur le développement durable et qu’il y ait de toute évidence des luttes internes au sein du système de décision chinois, montre le chemin qui a été parcouru depuis 10 ans et à quelle vitesse. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas confronter le discours à la réalité des actes. Mais n’oublions pas qu’en France, il nous arrive aussi de mettre en place des projets dits écolo pour se donner bonne conscience."
Comment voyez-vous l’après Dongtan ?
"L’ambition affichée de la Chine d’être à la pointe du développement urbain durable à travers des projets pilotes ne doit pas faire oublier que le plus grand enjeu est la ville existante. C’est, comme on le dit habituellement, la reconstruction de la ville sur la ville. L’idéal est donc d’arriver à transformer nos villes pour les rendre écolos. Je pense qu’on y arrivera. Pour revenir à Dongtan, je pense que le projet était maximaliste sur le plan des technologies de l’environnement, mais cela ne veut pas dire qu’il répondait à tous les critères de la ville durable. Il était intéressant en tant que tel, et d’autres vont apparaitre."A lire aussi dans Terra eco :
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