« Réduire les poubelles du monde ». C’est la mission que s’est fixée Véronique Sébire en lançant Urgania il y a dix mois. A Beaupréau, dans le Maine-et-Loire, son entreprise crée des vêtements à partir de textiles recyclés. L’éthique et l’écologie sont conjuguées à tous les niveaux : l’atelier a été rénové en respectant l’environnement ; les prix suivent un calcul transparent, détaillé sur le site Internet de l’entreprise Urgania ; pour les créations demandant un nombre d’heures de travail élevé, la société fait appel à un chantier d’insertion ; elle met le pied à l’étrier à des stagiaires et ouvre sa vitrine à des créateurs indépendants et isolés. « On répare aussi des vêtements que les gens nous apportent parce qu’ils ne veulent pas s’en séparer », explique Véronique Sébire.
Ni peinture, ni ronce de noyer
Avec, en tête, l’idée de lutter contre la course au renouvellement et au gaspillage qu’induit la mode. « On peut aussi toucher ceux qui courent les magasins, car nos vêtements sont beaux et uniques », affirme-t-elle. Après s’être impliquée pendant plusieurs années dans l’univers associatif, Véronique Sébire y a trouvé des limites : « Pour vraiment changer les choses, il faut aller dans le champ de l’entreprise. »Pousser le consommateur à évoluer, c’est aussi l’une des ambitions de Victor Massip, cofondateur de la société de design Faltazi. « Il faut que les gens sachent qu’un produit peint, c’est un matériau altéré par un autre, et donc difficilement recyclable. Idem pour un produit imprimé. Il faudrait privilégier les marquages en creux. Il faut opter pour des objets plus concentrés, avec plus de choses dans une pièce et non pas plus de pièces. A-t-on vraiment besoin de ronce de noyer sur un tableau de bord de voiture, par exemple ? » Ces réflexions sont à la base de l’« éco-conception », un mouvement qui réfléchit au cycle de vie d’un produit, à son empreinte écologique « du berceau à la tombe ». Faltazi vient ainsi de développer pour Rowenta un aspirateur qu’on peut actuellement voir dans un spot télévisé slalomer dans un appartement, percuter une commode, sans aucun dommage ni pour lui ni pour le meuble. La publicité insiste sur la résistance de l’engin, oubliant de préciser qu’il a été conçu en utilisant deux fois moins de matière qu’un aspirateur ordinaire, qu’il consomme 20 % d’électricité en moins et que son recyclage est facilité par les composants utilisés.
La bouilloire qui ne bout pas
Victor Massip a également travaillé sur une bouilloire à réglage de puissance, pour ne chauffer l’eau qu’à 70 degrés au lieu de 100. Largement assez pour un café, en économisant 30 % d’énergie. « L’éco-conception peut s’appliquer à tous les produits, affirme-t-il. Mais elle demande un gros investissement au départ. » Il faut donc convaincre les chefs d’entreprise qu’ils y ont intérêt. C’est ce que cherche à faire Hélène Teulon via sa société de conseil, Gingko 21 : « On joue un peu sur le côté émotionnel, en leur projetant un passage du film d’Al Gore, Une vérité qui dérange, sur le changement climatique. Mais on insiste surtout sur l’aspect “innovation”. L’environnement pose de nouvelles questions. Y répondre oblige à innover et cela permet de gagner en compétitivité. »L’éco-conception peut donner des résultats stupéfiants : avec le soutien de l’Ademe, la société Luminox a par exemple conçu des blocs d’évacuation - les fameux panneaux « exit » - consommant dix fois moins d’énergie que la normale. Le mouvement n’en est toutefois encore qu’à ses balbutiements. « L’association des professionnels de l’éco-conception, l’Apedec, a calculé récemment qu’il n’y avait que l’équivalent de cent personnes à temps plein à travailler en France sur le sujet, raconte Hélène Teulon. Mais depuis deux ans, il y a de plus en plus de demandes de formation, le mouvement décolle. »
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