Vincent patiente devant l’hôtel de ville du XXème arrondissement de Paris. C’est ici, à 11 heures, que démarre la balade. Il attend les promeneurs. « On ne sait jamais combien il y en aura, prévient-il. En moyenne, j’emmène 4 à 6 personnes. 10, parfois. » Ce matin-là, ils sont deux touristes à braver la pluie pour venir découvrir « le XXème ». Pendant deux heures, Vincent va leur faire sillonner rues et ruelles, au rythme des explications historiques et des petites anecdotes.
Première étape : un topo sur le quartier. Sa forme de colline, son rôle joué pendant La Commune, Napoléon III et ses canons postés à Belleville pour prendre de la hauteur. « J’ai fait beaucoup de recherches sur Internet et je suis allé à la bibliothèque », avoue Vincent. S’il a fait des études d’histoire, notre guide n’est pas un professionnel. Au chômage pendant quatre ans, après sept années de travail à McDonald’s et quelques mois comme assistant comptable, Vincent guide les visites depuis février dernier. C’est la société « L’alternative urbaine », créée il y a 1 an, qui l’a embauché. Sa raison d’être ? Permettre aux personnes sans domicile fixe de trouver un emploi et de se réintégrer dans la société en menant ces « balades alternatives ». Un tremplin, non pas pour devenir guide de métier mais pour retrouver le chemin du travail. « Ils reprennent vraiment confiance, assure Selma Sardouk, la fondatrice du projet. Et c’est très valorisant pour eux. » Les guides, rémunérés 10 euros bruts par heure avec un contrat de 10 heures par semaine, restent au maximum un an dans la société avant de voler de leurs propres ailes.
Rue des Pyrénées, Vincent stoppe la petite troupe devant un immeuble haussmannien. L’histoire du célèbre baron, l’architecture de l’édifice, ses anciens habitants... Tout y passe. Puis nous nous faufilons dans le passage des Soupirs. « Ici, c’est un petit bout de campagne dans Paris », sourit Vincent. De part et d’autre de la ruelle, des maisons avec jardins et des plantes grimpent le long des murets. « Ce sont des choses qu’on ne verrait pas avec une autre visite, se réjouit Anton, un Danois de 23 ans venu passer quelques jours à Paris. On est loin du centre où tous les touristes se massent. » Les balades alternatives permettent aux visiteurs, mais aussi aux Parisiens, de découvrir des quartiers méconnus de la capitale, loin de la tour Eiffel et de Notre-Dame. « De toute façon, il n’y a pas de gros trucs touristiques dans le XXème », s’amuse Vincent.
« Cela casse les clichés sur les SDF »
Mais les curiosités ne manquent pas. Sur les murs, de nombreux graffs attirent les regards. Vincent, intarissable, raconte leur origine, précise le nom de leur auteur. « Ça me plaît d’apprendre des choses pas très connues aux gens, témoigne-t-il. En général, ils sont très contents. » Depuis février, il a baladé plus de 200 personnes. Si Vincent est accompagné d’un traducteur, il n’hésite pas à échanger quelques palabres en anglais avec ses promeneurs. Des touristes qui ne connaissent pas toujours l’histoire de Vincent, qui vit actuellement dans un Centre d’hébergement et de réinsertion sociale . « Mais quand ils savent que les guides sont sans domicile fixe, ils l’oublient en 5 minutes, raconte fièrement Selma Sardouk. Cela casse les clichés que les gens ont sur les SDF. » Après un passage par le quartier chinois et le parc de Belleville, le petit groupe achève la balade par un repas improvisé dans un bistrot du coin. Le temps pour chacun de faire le point sur l’avenir. L’« alternative urbaine » recrute de nouveaux guides, orientés par des associations assurant des maraudes auprès des SDF parisiens, et prépare d’autres itinéraires de balades, dont une adaptée aux personnes handicapées. Vincent, lui, a déjà le regard tourné vers septembre. A 39 ans, il commencera une formation de moniteur-éducateur. Avec l’espoir de réussir, comme les deux guides qui l’ont précédé, à trouver un emploi stable.Infos pratiques : dates et heures des balades à retrouver sur le site Alternative-urbaine.net
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