L’idée est née il y a quelques mois, dans la caboche d’Audrey Boehly. Un an avant l’« Evénement ». Lequel ? Mais l’Apocalypse, pardi ! Vous ne saviez pas ? Le monde doit disparaître, à en croire quelques sources peu sûres, le 21 décembre 2012. A moins que, ce jour-là, ne s’achève simplement un cycle et que ne s’ouvre un nouveau. Les théories vont bon train. Collision d’une planète avec la Terre, fin du calendrier maya, inversion des pôles magnétiques… Il suffit de se pencher sur la Toile avec une épuisette pour pêcher des raisons au désastre. Les plus crédules rejoignent des stages de survie ou se terrent à Bugarach, petit village de l’Aude que certains disent invulnérable grâce à son pic, sa « montagne sacrée » toute proche. C’est cette disproportion entre peurs ancestrales et réalité brute que la photographe française Audrey Boehly, membre du collectif Trois8, a voulu illustrer.
Certes, les craintes scientifiques sont bien réelles et s’incarnent dans de sombres scénarios : changement climatique, catastrophe nucléaire, pénurie d’eau, etc. « Les prophéties apocalyptiques ont de plus en plus tendance à s’appuyer sur les hypothèses des chercheurs qui étudient la fin possible de l’humanité. L’une des motivations de ce travail était de remettre les fantasmes à leur place. Les situations absurdes présentées sur ces images soulignent que nous sommes bien dans le mysticisme et non pas dans une objectivité scientifique », souligne Audrey Boehly.
Dans ce monde perclus d’angoisses et de terreurs, libre à chacun de piocher son obsession. « Chaque individu s’invente sa fin du monde à lui. Potentiellement, il y a autant de fantasmes que d’individus. J’ai sélectionné sept plateaux, sept projections possibles de la fin des temps, qui soient graphiques et compréhensibles par tous. Mais j’aurais pu en choisir d’autres », explique la jeune photographe. Fantasmer la fin du monde, la manière d’y résister aussi. Avec leurs casques contre les chutes d’astéroïdes, leurs seaux d’eau comme remèdes à la soif ou leurs murs tapissés de boîtes de céréales censées prévenir la pénurie alimentaire, les moyens de protection employés semblent bien dérisoires : « On pense naïvement que l’homme moderne, grâce à la technologie, va pouvoir dominer ou même s’extraire de la nature. Mais face à une catastrophe, si elle doit advenir, ses moyens d’y faire face restent dérisoires. Des événements comme Fukushima ou l’ouragan Sandy (qui s’approchait des côtes américaines au moment de l’interview, ndlr) continuent de nous le rappeler. » Or, face à cette angoisse, à cette peur de la destruction et de la mort, « certains restent paralysés, à l’instar des personnages représentés dans cette série. Le temps s’est arrêté pour eux, ils ne vont plus de l’avant. Une façon de montrer qu’il est vain de passer sa vie dans la terreur de sa propre finitude ». Ainsi s’enferment, se cachent, se resserrent les figures apeurées de la série « Apocalypse Show ». —
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