Après les sacs, les couverts. Un amendement au projet de loi sur la transition énergétique porté par François-Michel Lambert (Europe Ecologie - Les Verts) s’attaque aux fourchettes, assiettes, gobelets en plastique qui accompagnent les plats de vente à emporter, les pique-niques ou les gueuletons d’entreprises. « Au plus tard le 1er janvier 2020, il est mis fin à la mise à disposition à titre onéreux ou gratuit des ustensiles jetables de cuisine pour la table, en matière plastique, sauf pour les ustensiles compostables et constitués pour tout ou partie de matières biosourcées », précise le texte.
Si les associations évoquent un amendement qui « va dans le bon sens », elles estiment qu’il ne pousse pas l’effort assez loin. Dans leur collimateur notamment, l’exemption faite aux ustensiles « compostables et constitués pour tout ou partie de matières biosourcées ». Certes, ces plastiques biosourcés ne sont plus entièrement dérivés du pétrole (la teneur minimum de ces plastiques en matériaux biosourcés doit encore être définie par décret), ils nécessitent néanmoins des ressources agricoles « qui seraient bien mieux dans l’assiette de quelqu’un que dans des couverts », souligne Delphine Lévi Alvarès, responsable du plaidoyer à Zero Waste France.
Et Benoît Hartmann, porte-parole de France Nature Environnement, d’abonder : « Même dans le cas des oléagineux, comme le colza en France, qui ne se mange pas (sauf en huile, ndlr), utiliser ces surfaces pour faire des bioplastiques c’est accaparer une surface qui aurait pu servir à autre chose. On va alors, pour compenser, augmenter la pression ailleurs, déforester l’Amazonie par exemple, pour produire de la nourriture. Ce serait différent si on utilisait des résidus de l’agriculture pour faire ces bioplastiques mais pour l’instant ce n’est pas le cas. » Les plastiques compostables ne trouvent guère plus de grâce à ses yeux : « Le compostable est compostable dans un composteur industriel. Mais si ces plastiques se retrouvent en mer ils ne se dégradent pas. Or, comme pour les sacs jetables, beaucoup de ces ustensiles échappent à la collecte. »
Ne pas remplacer du jetable… par du jetable
Mais la critique majeure réside ailleurs. Pour les deux associations :« Il ne faut pas remplacer du jetable plastique par du jetable biodégradable. Ce qu’il faut c’est pas de jetable du tout, souligne Delphine Lévi Alvarès, pour qui les ustensiles jetables n’ont tout simplement pas lieu d’être. On le voit : dans l’événementiel, il y a déjà un fort développement des gobelets ou couverts réutilisables. Les festivals utilisent de plus en plus d’Ecocups consignés. Les bars – qui ont souvent recours à des gobelets en plastique pour leurs terrasses – pourraient aussi avoir le même système. La vente à emporter pourrait instaurer un système de consigne. Quant à la consommation personnelle, les gens peuvent très bien se passer d’ustensiles jetables. Comme les sacs plastique, ce genre de produits n’a pas de justification. Il vaut mieux réserver les plastiques jetables à des usages indispensables comme dans le domaine de la santé. » « L’objectif n’a jamais été de switcher vers le compostable ou le biosourcé mais bien d’arrêter à terme le plastique jetable. Il faut compter sur l’intelligence humaine », défend François-Michel Lambert.Pour le député, qui déplore que la presse s’attarde largement sur ce petit amendement, ce texte est avant tout « un symbole dans une société où l’attente des gens est très forte. En quarante ans, ces couverts en plastique jetable ont pris une place qui n’a pas lieu d’être ». « Cela va quand même dans le bon sens, concède pour sa part Benoît Hartmann. Ça peut avoir un impact sur les mentalités en disant : “réfléchissez à ce qui se passe quand vous jetez quelque chose dans votre environnement”. »
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