Sortir du nucléaire sans revenir à la bougie, c’est possible. Voilà ce que clamait l’association Négawatt en septembre 2012, en présentant son « scénario », véritable feuille de route pour une transition énergétique complète d’ici 2050. On vous rappelle ses grandes lignes :
Produire et consommer l’énergie de manière plus efficace. Notamment en finir avec les passoires énergétiques grâce à un vaste plan de rénovation des bâtiments, ou limiter les pertes d’énergie pendant la production grâce notamment à la cogénération.
Plus de sobriété : recycler davantage, réduire les déplacements motorisés individuels en ville... Le tout grâce à des normes et à une fiscalité attractive.
La sobriété et l’efficacité pourraient réduire la demande en énergie primaire de 65% à l’horizon 2050. Pour le reste, la France doit investir dans les énergies renouvelables. Du coup, elle peut mettre ses centrales nucléaire à la retraite.
Au moment de la sortie de ce rapport, en pleine campagne électorale, le débat sur l’atome faisait rage et les chiffres les plus farfelus polluaient le débat. Henri Proglio n’hésitait pas à calculer (de tête ?) que la sortie du nucléaire risquait de faire perdre un million d’emplois à la France, tandis qu’un rapport fumeux chiffrait son coût à 750 milliards d’euros. Les experts de Négawatt, eux, n’avaient dégainé leur calculette ni sur le coût ni sur l’impact sur l’emploi de leur scénario. C’est chose faite aujourd’hui, grâce aux travaux de Philippe Quirion, économiste au Cired (Centre international de recherche sur l’environnement et le développement) dans une étude publiée ce vendredi. Selon ses calculs, la mise en œuvre du scénario Négawatt aboutit à un effet positif sur l’emploi qui se situe dans une fourchette de 220 000 à 330 000 postes nets (en tenant compte des emplois détruits) en 2020, et de 570 000 à 820 000 postes nets en 2030. Les économies réalisées – en consommant moins et en arrêtant d’acheter des hydrocarbures – dépasseraient même largement les investissements nécessaires, si bien que la mise en place de ce scénario rapporterait 9 milliards d’euros par an en 2020 et même 54 milliards d’euros par an en 2030 ! Explications avec Thierry Salomon, président de Négawatt.
Terra eco : Quels sont les secteurs économiques dans lesquels la transition peut créer des emplois ?
Thierry Salomon : Si l’on regarde les emplois directs et indirects (entreprises sous-traitantes, ndlr) de chaque secteur, on se rend compte que la réalisation du scénario Négawatt peut entraîner une hausse significative dans le secteur de la rénovation thermique des bâtiments, des énergies renouvelables ou des transports en commun. En revanche, il y aura une baisse dans le secteur de la construction automobile, du nucléaire et de la construction neuve. D’après l’étude du Cired, les créations sont à long terme légèrement supérieures aux destructions, notamment parce que les secteurs de la transition sont très intensifs en emplois.
D’où vient alors la forte augmentation du nombre d’emplois que vous annoncez ?
Nous nous sommes penchés sur les emplois induits par notre scénario. L’un des principaux impacts de la transition, c’est de réduire la facture de la France en gaz et en pétrole, qui a grimpé l’année dernière à plus de 60 milliards d’euros. Nous estimons, comme de très nombreux économistes, que ces dépenses évitées seront réinvesties dans l’économie. Elles vont induire une regain d’activité et donc un nombre important d’emplois.
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions