Mis à jour le 10 mars 2014 : Le pic de pollution qui frappe l’Ile-de-France devrait dépasser ce lundi le seuil critique d’information. Les associations Ecologie sans frontière, Respire et le Rassemblement pour la Planète ont décidé de porter plainte contre X pour mise en danger d’autrui. Un pic de pollution frappe également le bassin lyonnais. |
Quand le printemps pointe le bout de son nez. Les particules fines aussi. A Paris, on comptabilisait déjà le 19 mars une vingtaine de jours de dépassement de la concentration autorisée [1] en PM10, des particules en suspension de la taille d’une cellule qui se glissent dans l’appareil respiratoire. La faute notamment « à une situation anticyclonique avec des vents faibles qui ont entraîné une stagnation des particules sur l’Ile-de-France », décrypte Arthur de Pas, ingénieur en communication à AirParif.
Et l’Ile-de-France n’est pas la seule concernée. Depuis l’entrée en vigueur de la législation européenne en 2005, les valeurs limites ont été dépassées dans 16 zones : Marseille, Toulon, Avignon, Paris, Valenciennes, Dunkerque, Lille, le territoire du Nord-Pas de Calais, Grenoble, Montbéliard/Belfort, Lyon, le reste de la région Rhône Alpes, zone côtière des Alpes Maritimes, Bordeaux, la Réunion, Strasbourg.
Aussi, la Commission européenne a tiré le signal d’alarme. En mai 2011, elle a assigné la France devant la Cour de justice [2]. Motif ? Hormis Strasbourg, rien n’a été fait pour atteindre les objectifs fixés. « La sanction de la Cour de justice ne devrait pas tarder à tomber », croit savoir l’association Respire qui précise que « les pénalités financières devraient être calculées sur la base d’une amende forfaitaire (10,9 millions d’euros pour la France, plus un montant journalier multiplié par le nombre de jours de persistance de l’infraction) et d’une astreinte journalière (entre 10 000 et 100 000 euros par jour, calculée par jour de retard, en prenant en compte un coefficient de gravité et de durée, et par un facteur fixe par pays) ».
Car les particules fines, ce n’est pas de la rigolade. « Elles peuvent provoquer de l’asthme, des problèmes cardiovasculaires, des cancers du poumon et entraîner une mort prématurée », souligne le communiqué de la Commission. Pas moins de 42 000 morts seraient même à imputer aux plus fines d’entre elles, les PM2,5 (de la taille d’une bactérie) selon une évaluation de la Commission européenne citée par le ministère de l’Environnement. Selon une autre étude coordonnée par l’Institut de veille sanitaire (InVS), contenir le taux de ces particules très fines à 10 microgrammes annuellement [3] permettrait de gagner 5 mois d’espérance de vie à Bordeaux, 5,8 mois à Paris et 7,5 mois à Marseille ! (voir schéma ci-dessous, en anglais) :
Mais pourquoi la France est-elle aussi nulle ? En fait, les particules ont plusieurs origines. Elles sont émises par l’industrie, le chauffage urbain (notamment au bois) et le trafic routier. En Ile-de-France, les pots d’échappement sont largement responsables : les particules fines enregistrées à proximité du périphérique (là où les dépassements sont les plus importants) sont imputables à 44% au trafic routier souligne une étude d’Airparif.
Et au sein du parc automobile, ce sont les diesels qui sont les plus gros cracheurs. Or, depuis vingt ans, la proportion de véhicules diesel dans le nombre d’immatriculations enregistrées chaque année ne cesse de grandir (voir document ci-dessous) : de 9,9% en 1980, elle est passée en 2010 à 70,8% selon les chiffres du Comité des constructeurs français d’automobiles. « La diesélisation, c’est une exception française », souligne Sébastien Vray, président de Respire. Seuls la Belgique, le Luxembourg et la Norvège présentaient en 2010 des taux supérieurs aux chiffres français.
Mais pourquoi donc les Français aiment-ils tant leur titines au gazole ? Parce que ce carburant coûte moins cher à la pompe même si son prix à l’importation est plus important. Simplement parce que la fiscalité s’élève à 50% sur le gazole mais à 61% sur les supercarburants, précise l’Union française des industries pétrolières :
Le bonus-malus a fini ces dernières années de convaincre les automobilistes indécis. Récompensant les voitures les moins émettrices en CO2 et punissant les plus généreuses en carbone, il a - de fait - récompensé les voitures diesel. « Un moteur diesel produit en effet moins de monoxyde de carbone (CO) et d’hydrocarbures imbrûlés (HC) qu’un moteur à essence. De plus, les voitures équipées d’un moteur diesel consomment environ 30% de carburant en moins que les modèles à essence semblables, ce qui se traduit par une baisse de près de 16% de leurs émissions en CO2. Cette consommation plus faible est essentiellement due à un rendement thermodynamique supérieur par rapport au moteur à essence », explique Olivier Regniers, de l’université de Bruxelles dans son mémoire.
Or, les nouveaux - et jusqu’ici heureux - acheteurs de véhicules diesels pourraient bien se retrouver avec leurs véhicules sur les bras. Répondant aux pressions de Bruxelles, le gouvernement veut instaurer des Zones d’actions prioritaires pour l’air (Zapa). Soit des centres urbains dont les véhicules qui cracheraient trop d’oxydes d’azote et de particules fines seraient bannis. « Les Zapa pourront régler les choses en partie mais le CO2 ne fera pas partie des critères de sélection des véhicules autorisés », souligne Sébastien Vray.
Un changement qui devrait faire des mécontents. « On a une fiscalité au gazole plus favorable que l’essence, un bonus-malus qui incite à acheter des véhicules diesel. Il faut comprendre les gens qui achètent une voiture diesel. Et après les politiques publiques veulent lutter contre les particules fines ? », s’agace Denis Baupin, adjoint au maire de Paris.
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