« Méthanisation ». Derrière ce terme se cache un procédé naturel de dégradation de matières organiques en l’absence d’oxygène. Ce qui produit du gaz et donc de l’énergie. De nombreuses entreprises utilisent aujourd’hui cette technique pour se débarrasser de leurs déchets. Tour d’horizon.
1 - Avec des melons pourris…
Melons abîmés, pourris, trop petits… Chaque saison, la société fruitière Bouyer à Moissac (Tarn-et-Garonne) se retrouvait avec 2 000 tonnes de melons invendables sur les bras. Or, la gestion de ces déchets a un coût : « environ 150 000 euros par an pour le transport et le traitement », se souvient Valérie Doussaint, responsable qualité et environnement de l’entreprise. Alors, en 2011, l’entreprise s’est équipée d’une unité de méthanisation développée par la société belge GreenWatt. Le principe est simple. Les fruits abîmés sont placés dans un digesteur où ils sont dégradés par des bactéries qui dégagent du biogaz. L’électricité produite est revendue à EDF, tandis que la chaleur est utilisée au sein même de l’usine. L’initiative a été récompensée en 2012 par le premier prix Entreprises et Environnement dans la catégorie « Technologies économes et propres ». Un prix remis par le ministère de l’Ecologie.
2 - … ou des carottes
Même principe mais avec des carottes cette fois. Le groupe landais Larrère, l’un des leaders européens de la carotte, a inauguré en 2014 son unité de biométhanisation, développée elle aussi par la société GreenWatt. Le groupe produirait de l’électricité pour l’équivalent de 420 foyers.
3 - Avec du fromage
Le fromage aussi a des propriétés insoupçonnées. A Albertville (Savoie), l’Union des producteurs de Beaufort a inauguré en octobre dernier une unité de transformation du lactosérum, ce liquide jaunâtre généré par la fabrication du fromage. Outre la production de beurre, de ricotta et de poudre de protéines, ce petit-lait est également source d’énergie, via le processus de méthanisation. L’unité, développée par la société Valbio, devrait permettre de produire près de trois millions de kWh d’électricité par an – soit l’équivalent de la consommation électrique de 1 500 habitants – qui seront revendus au réseau EDF.
4 - Avec des excréments humains
Outre-Manche, un bus un brin particulier arpente les rues de la ville de Bristol. Son originalité ? Il roule grâce à… des excréments humains ! Un carburant très « vert » puisqu’il rejette 80% d’oxyde d’azote et 20% à 30% de dioxyde de carbone de moins qu’un moteur diesel. Ce « Biobus » peut parcourir jusqu’à 300 km avec un plein, obtenu grâce aux déjections organiques annuelles de cinq personnes. Face au succès de son projet pilote, la société GENeco, à l’initiative du projet, vient de lancer une demande de financement au gouvernement pour développer son réseau.
5 - Avec des excréments de chien
Dans la même veine, Océane Izard, une jeune étudiante française de 27 ans de la Haute école genevoise d’art et de design (HEAD), a imaginé, avec l’aide d’ingénieurs et de vétérinaires, le « Poo poo power », une machine qui transforme les crottes de Médor en énergie. La décomposition des excréments produit du méthane qui se transforme en électricité, elle-même stockée dans quatre batteries mobiles. A sa grande surprise, son invention présentée l’année dernière à l’exposition Animal Party lors de la semaine du design à Milan, a connu un franc succès. Bien qu’au stade expérimental cette machine pourrait bientôt investir votre foyer. « Des laboratoires m’ont contactée pour développer le projet », s’enthousiasme la jeune designeuse.
6 - Avec les couches de bébé ?
Avec un million de tonnes jetées chaque année, la France croule sous les couches culottes jetables usagées, dont aucune n’est recyclée. Face à ce constat alarmant, les ingénieurs de Sita, filiale de Suez Environnement, imaginent en 2011 un dispositif qui permettrait de recycler ces déchets à travers une triple valorisation. Après une phase de séparation des différents composants de la couche, le pilote prévoyait de recycler les plastiques mais surtout de produire de l’énergie et du compost grâce au biogaz issu d’une partie des déchets organiques. Le projet n’a pourtant jamais abouti. En cause : des coûts de collecte importants et une réglementation sur le recyclage de ces déchets inexistante.
7 - Avec des déchets de cantine
Plus la peine de culpabiliser votre bambin s’il ne finit pas son assiette. La start-up parisienne Love your waste transforme les déchets alimentaires des cantines scolaires en source d’énergie. Pour apprendre aux enfants à trier leurs déchets, l’équipe travaille avec les caisses des écoles du IXe et du XIVe arrondissement, « qui gèrent à elles deux plus de 50 écoles et servent plus de 10 000 repas par jour ». La collecte est ensuite assurée deux fois par semaine par Energie 9, une structure d’insertion locale qui achemine les déchets jusqu’à une usine de méthanisation. Le biogaz produit est directement distribué dans le réseau de gaz de ville. A terme, la jeune pousse espère développer son programme dans toute la restauration collective, de la cantine d’entreprise à la maison de retraite.
8 - Avec de la bière
La brasserie Kronenbourg d’Obernai (Bas-Rhin) est la première en France à s’être lancée dans la production de biogaz via la méthanisation des résidus liquides issus de sa production de bière. Aujourd’hui, ce biogaz lui permet de couvrir environ 20% de ses besoins énergétiques.
9 - Avec du jus de choucroute
La choucroute est un plat largement apprécié en Alsace. Son jus, très corrosif et polluant, un peu moins. Les producteurs de choucroute devaient parcourir plus de 80 km jusqu’à la station d’épuration de Strasbourg pour se débarrasser de quelque 30 millions de litres par an. Un problème qui a pris fin en 2012 avec la création de la station d’épuration du bassin de l’Ehn. Installée entre Meistratzheim et Krautergersheim, capitale autoproclamée de la choucroute, elle transforme le jus en biogaz, toujours grâce à la méthanisation. L’énergie produite pendant un an correspondrait à la consommation énergétique de 2 200 personnes.
10 - Avec des boues d’épuration
L’Alsace est décidément terre d’innovation. En septembre dernier, la station d’épuration de Strasbourg-La Wantzenau a, elle aussi, inauguré son unité de méthanisation, présentée par ses promoteurs comme une grande première en France. Il s’agit cette fois de la fermentation, via des bactéries, des boues d’épuration, pour produire du biogaz. Les nouveautés de ce projet, baptisé Biovalsan ? On obtient au terme du processus de purification un biométhane de très haute qualité qui est injecté dans le réseau de gaz naturel. La station de Strasbourg va fournir 1,6 million de mètres cubes de biométhane par an, soit l’équivalent de la consommation d’environ 5 000 logements. Le projet a vocation à se dupliquer. Grenoble serait sur les rangs.
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