Les associations de défense des mal-logés ont déjà fait leur rentrée. L’association du Droit au logement (DAL) a installé les tentes de personnes mal-logées sur la place de la République à Paris, puis a fait entendre sa voix auprès de la conseillère logement de l’Elysée ce mercredi. La veille, la fondation Abbé Pierre s’époumonait contre les expulsions estivales, réalisées pendant que les préfectures sont en congés. Ces militants trépignent-ils d’impatience dans l’attente de la loi Duflot, examinée à partir du 10 septembre à l’Assemblée ? Pas seulement.
Malgré ses chapitres entiers consacrés à la « lutte contre l’habitat indigne » ou à la « prévention des expulsions », le texte présenté le 26 juillet en Conseil des ministres les laisse froids. Pour Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de DAL, « les sans-abri et mal-logés ne gagneront pas grand chose avec cette loi ». Après les agences et les propriétaires, c’est donc au tour des associations de dresser leur liste de points noirs du projet de loi.
L’encadrement des loyers : une bonne idée aux effets pervers ?
Inspirée de l’Allemagne et de la Suède, c’est la mesure phare du texte. Déjà en vigueur depuis un décret de juillet 2012, cet encadrement doit être renforcé pour éviter les abus et soulager les ménages des zones dites tendues. C’est exactement ce que réclamait la fondation Abbé Pierre. « Le diable se cache dans les détails », nuance toutefois Patrick Doutreligne, son délégué général. Lors de la location, les loyers seront tenus de ne pas dépasser un loyer médian, majoré d’un pourcentage fixé à 20%. « Avec ce cadre large, hormis les personnes louant des petites surfaces très chères, la plupart des foyers modestes ne seront pas concernés », affirme-t-il.
Le délégué craint même des effets pervers : « Quand il y a un plafond, la tentation c’est de le toucher. » En clair, un propriétaire pourrait se rendre compte que son loyer est en dessous du tarif médian et l’augmenter. « Or, le loyer médian est fixé à partir des prix des agences souvent plus élevés que ceux des particuliers », déplore Jean-Baptiste Eyraud. A l’inverse, il pointe des effets d’aubaine : « Des familles aisées vivant dans des appartements chers vont voir leurs loyers baisser. ». A cela s’ajoutent les risques de tricherie : surfaces surestimées, faux meublés, prix médian non indiqué sur le bail.
Un texte trop timide sur les logements insalubres et non décents ?
Au premier coup d’œil, le texte paraît ferme. Il prévoit d’interdire aux marchands de sommeil déjà condamnés de louer des biens immobiliers. Quant aux logements signalés comme indécents, leurs propriétaires devront, si la loi est adoptée, payer 200 euros d’astreinte par jour de travaux non réalisés. « Pour en arriver là, il faudrait déjà que les locataires fassent valoir leur droits », s’inquiète le DAL. « Protester parce qu’on n’a pas de chauffage c’est prendre le risquer de se faire virer », confirme Patrick Doutreligne. Se débarrasser d’un locataire et relouer dans la foulée a beau être interdit, les contrôles sont rares. Les intrépides rappelant au propriétaire ses obligations s’engagent quant à eux pour des mois de procédures. « Fixer des délais aurait été une mesure simple et efficace », soupire Jean-Baptiste Eyraud. Reste la tactique de ne plus verser d’allocations logement aux propriétaires négligents. « La Caf de Lille l’applique déjà , mais juridiquement c’est très fragile », note Patrick Doutreligne.
Avec la loi Duflot, le nombre d’expulsions va-t-il baisser ?
La fondation Abbé Pierre n’y croit pas. Pour traiter les situations au cas par cas, la loi Alur (pour l’accès au logement et pour un urbanisme rénové) – dite loi Duflot – prévoit d’augmenter le rôle des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex). Dans l’idée, cet organe de prévention des expulsions doit éviter que les dossiers n’atterrissent devant le préfet. Dans les faits « ces antennes sont encore des coquilles vides dans de nombreux départements », constate Patrick Doutreligne. Limiter le nombre d’expulsions – 145 000 procédures engagées en 2011 selon les derniers chiffres – ne passe donc pas forcément par une nouvelle loi. La fondation Abbé Pierre exige d’abord l’application de la circulaire de novembre 2012 qui interdit l’expulsion des personnes protégées si une solution de relogement ne leur est pas proposée.
La loi va-t-elle favoriser l’accès au logement des plus modestes ?
« Sur ce point la seule vraie réponse c’est d’augmenter l’offre », tranche Patrick Doutreligne. Aujourd’hui, selon l’association DAL, 40 000 familles n’arrivant pas à se loger décemment attendent toujours une réponse de l’Etat. Depuis la loi Dalo de 2007 ils y ont droit. Mais l’Etat est hors la loi. Pour y remédier, Cécile Duflot a signé un pacte avec le mouvement HLM prévoyant la construction de 150 000 logements sociaux. Sceptiques, les associations attendent de voir cette promesse se concrétiser. Mais, pour la fondation Abbé Pierre, la loi Duflot a loupé une belle occasion d’innover. « Ce qu’il aurait fallu, c’est compléter l’offre HLM par du privé social », affirme Patrick Doutreligne. L’idée : donner des avantages fiscaux aux propriétaires baissant leurs loyers pour accueillir des publics prioritaires : « Notre proposition n’a pas passé les discussions interministérielles. » L’association attend désormais avec impatience les débats au parlement.
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions