Florence Burgat est philosophe à l’Institut scientifique de recherche agronomique (Inra). Elle consacre toutes ses recherches à la question animale. Elle a notamment publié Une autre existence (Albin Michel, 2012).
Notre conception des animaux est-elle en train de changer ?
Nous sommes à un moment charnière. L’exploitation des animaux n’a jamais été aussi massive alors que la législation introduit des notions telles que « la sensibilité », « le bien-être », ou encore évoque « la souffrance » et « l’angoisse » des animaux. Cela pose, à l’arrière-plan, la question de la légitimité de ce système. L’animal n’est donc plus considéré comme un être qui ne sent rien. Mais, dans le même temps, les utilisations auxquelles il est soumis font comme s’il ne sentait rien. C’est dans ce paradoxe que l’on peut voir l’indice d’un moment charnière.
Le végétarisme est-il un moyen d’être en accord avec cette nouvelle conception ?
On peut être végétarien pour diverses raisons : diététiques, écologiques, etc. On peut aussi l’être en réponse à la violence faite sur les animaux. Si nous voulons modifier durablement notre relation à eux, il faut cesser de les regarder comme de la viande sur pied. Or, nous savons depuis longtemps où trouver les protéines végétales. Et la diversité des nourritures dont dispose l’humanité permet, comme jamais auparavant, de composer des régimes équilibrés. Par ailleurs, les recherches sur la viande in vitro (la production de muscles à partir de cellules souches, ndlr) pourraient être encouragées. Je pense enfin qu’une humanité qui aurait renoncé à manger des animaux se comporterait de façon différente, y compris en son propre sein. Il y a dans l’alimentation carnée une pérennisation de la violence en général.
Peut-il cependant exister une façon éthique de manger de la viande ?
C’est une contradiction dans les termes. Je ne doute pas qu’il existe des éleveurs qui traitent bien leurs animaux. Mais ça ne peut être que ponctuel étant donné que nous sommes 7 milliards et de plus en plus à vouloir manger de la viande deux fois par jour. Le seul système capable de répondre à cette demande est le système industriel.
Si l’on va au bout de ce raisonnement, il faut supprimer l’élevage. Beaucoup objectent que les animaux sont indispensables, notamment pour l’agriculture…
Certes, c’est complexe, c’est encore une utopie. Mais nous n’avons jamais cherché à faire autrement. Il peut exister d’autres voies, et c’est aux spécialistes concernés d’y travailler. —
En savoir plus : la bibliographie végétarienne
Paris végétarien, les meilleurs restos, d’Alcyone Wemaëre (Parigramme, 2012)
Confessions d’une mangeuse de viande, de Marcela Iacub (Fayard, 2011)
Manger la chair, traité sur les animaux, de Plutarque (Rivages, 2002)
Bidoche, de Fabrice Nicolino (Les liens qui libèrent, 2009)
Le Livre noir de l’agriculture, d’Isabelle Saporta (Fayard, 2011)
Une autre existence, de Florence Burgat (Albin Michel, 2012)
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