Pourquoi mangeons-nous des animaux ? Si cette question sonne comme une provocation, c’est peut-être que nous sommes déconnectés des réalités animales et, plus largement, du monde du vivant dont, pourtant, nous dépendons. Tant de chose ont été dites sur la viande. Les escalopes à trois francs six sous, issues d’élevages en batterie. L’entrecôte aussi saignante que le bilan des gaz à effet de serre de sa production. Les élevages de cochons qui « nourrissent » aussi les rivières. Les traitements antibiotiques massifs, administrés aux troupeaux, au risque d’une résistance humaine aux mêmes médicaments. La souffrance animale, concept étranger à notre culture judéo-chrétienne.
On objectera qu’un monde sans viande serait aussi triste qu’un jour sans pain. Que tout ceci n’est qu’élucubration d’insupportables bobos-végétariens. Reconnaissons qu’il y a, dans la consommation de viande – multipliée par quatre en France depuis les années 1930 –, une revanche sociale légitime.
Obésité et haricots verts
Mais aujourd’hui, l’enjeu n’est pas un accès à la viande, mais à une alimentation équilibrée, où se mêlent joyeusement fruits et légumes. Si l’épidémie d’obésité était due à un abus de haricots verts, cela se saurait.L’enjeu, c’est aussi de trouver des solutions à la crise climatique. Or, nos steaks et nos poulets sont responsables de 18 % des émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines. Des scientifiques, parmi lesquels Tony McMichael et John Powles, précisent qu’il suffirait de réduire de 10 % notre consommation de viande rouge pour changer cela.
Secouer pour penser autrement
Dernier point : si le monde a faim, la faim justifie-t-elle tous les moyens ? En France, on « élève » chaque année un milliard d’animaux. 920 millions de volailles, 25 millions de cochons, 19 millions de vaches, 8 millions de moutons qu’il faut nourrir… et abattre. Un porc d’élevage intensif, c’est un nouveau-né de 100 grammes, qui franchit en six mois la barre du quintal. Et que mange ce cochon ? Des végétaux… que nous cultivons intensivement, parfois à coup d’OGM. Résultat, il faut quatre calories végétales pour produire une calorie de porc.
Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, prévoit que, d’ici à 2050, 1,45 milliard de tonnes de céréales seront utilisées chaque année pour l’alimentation animale. Pourtant, elles permettraient de satisfaire les besoins alimentaires de 4,5 milliards de personnes. Alors les végétariens ont raison de nous secouer et de nous inciter à passer du champ à l’assiette sans détour par la case élevage. Et surtout de penser nos problèmes autrement, pour trouver des solutions nouvelles. —
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