L’Australie est le pays où la consommation énergétique par habitant est la deuxième plus intense de la planète, juste derrière les Etats-Unis. Elle tire une part significative de ses revenus de l’exploitation énergétique et minière et a longtemps été un mauvais élève des négociations climatiques.
Pourtant, confronté depuis 10 ans à des phénomènes météorologiques d’une violence extrême, le pays fait évoluer rapidement sa politique environnementale. Des mesures novatrices sont prises afin de maîtriser l’eau, l’énergie, et de limiter le changement climatique. A tel point que l’Australie pourrait revenir maintenant dans le groupe des pays moteurs de la lutte contre le changement climatique.
L’Australie, pays-continent le plus aride du monde, produisait en l’an 2000 près de 80% de son énergie à partir du charbon, et tire une part substantielle de ses revenus de l’exploitation énergétique et minière. Dans ce contexte, à l’image du Japon, des Etats-Unis et du Canada, le gouvernement australien a eu une position plus qu’ambigüe vis-à-vis des négociations environnementales.
Le GIEC souligne dès 2000 l’importance du réchauffement climatique sur la zone pacifique, et notamment que « depuis 1960, la température moyenne en Australie a augmenté d’environ 0,7°C, mais certaines régions du pays se sont réchauffées de 1,5°C à 2°C ». Cette augmentation s’est matérialisée depuis 2007 par une succession ininterrompue de sécheresses, tempêtes et inondations d’une violence inouïe, notamment sur les zones les plus peuplées.
Un ministre visionnaire… peu suivi par son parlement
Elu en 2006 premier ministre fédéral, Kevin Rudd n’a eu de cesse de chercher à re-positionner son pays comme un pionnier du changement climatique. Il a tout d’abord rattrapé symboliquement le retard par la ratification du protocole de Kyoto en 2007, puis a désiré, contre les milieux d’affaires et une bonne partie de la classe politique fédérale, mettre en place un plan de réduction des émissions carbone.
Le compte à rebours est lancé. Alors que le parlement tergiverse, des incendies dramatiques ravagent l’Etat du Victoria en février 2009, suite à sept années de sécheresse ininterrompues.
Fin 2009, à quelques semaines de Copenhague, le pays est au cœur d’un nouveau coup de théâtre. Alors que les Etats les plus peuplés, tels le Queensland ou le Victoria, veulent consolider leur politique locale par un engagement fédéral de réduction des dépenses et une loi coercitive, Kevin Rudd est confronté à une double opposition des lobbies industriels et des climato-sceptiques, et ne peut faire adopter sa loi-cadre de réduction des émissions de CO2 par le Sénat.
L’année 2010 fut une année dramatique pour le climat et la population australienne, avec une succession d’incendies et de tempêtes. En décembre 2010, le Queensland a subi des inondations sans précédent. L’accroissement des températures renforce le duo infernal El Niño / La Niña , avec des sécheresses jamais observées auparavant et des pluies diluviennes de plus en plus dévastatrices.
L’eau monte, la population côtière est en sursis
Le futur immédiat ne s’annonce pas plus positif pour l’Australie. 80% des habitants, soit 18 millions de personnes, vivent en zone côtière, là où le réchauffement climatique se traduit par une hausse du niveau des eaux d’environ 1 mètre d’ici à 2100. Au Nord du pays, les îlots du détroit de Torrès pourraient disparaître dans les 10 à 15 prochaines années, à l’image de la récente disparition de l’îlot « New Moore » dans le Golfe du Bengale.
On estime à 250 000 le nombre de logements à risque sur les 50 prochaines années, ce qui pourrait générer environ 1 million de migrations climatiques. L’Australie, qui s’est montrée publiquement solidaire des réfugiés climatiques, tendant la main aux habitants des îles des Maldives appelés à bouger, ne peut que constater que ces réfugiés sont à sa porte… et que des vagues d’immigration massives et non sollicitées pourraient intervenir rapidement, en provenance de l’Indonésie, de la Mer de Java, de la Papouasie ou du Bangladesh.
Une élection pour tout changer
Fin 2010, la nouvelle Première ministre australienne, Julia Gillard, prend la double responsabilité, d’une part de faire payer sur le budget fédéral, et donc en mettant à contribution les Etats miniers, les dégâts provoqués au Queensland, qui se chiffrent à environ 20 milliards de dollars australiens (dont 1 à la charge de l’Etat), d’autre part de mettre en place une économie bas-carbone en fixant un prix à la tonne de CO2 émise.
L’Australie a voté fin février la mise en place d’une taxe carbone généralisée mi-2012, qui aura ensuite vocation à s’intégrer dans le dispositif post-Kyoto de permis d’émissions. En parallèle, un vaste programme d’adaptation est décidé, qui nécessite la construction de digues et de systèmes d’alertes, ainsi qu’un diagnostic des enjeux sur l’urbanisme côtier pour maîtriser l’érosion, maintenir les possibilités touristiques et préparer la montée des eaux.
Le voyage australien nous montre à quel point une politique environnementale intégrée et cohérente est nécessaire pour appréhender les enjeux du changement climatique. Plus cette politique est mise en œuvre tardivement, plus il faut non seulement générer la réduction des émissions, mais également l’adaptation et notamment le coût des catastrophes liées au changement climatique. Le rapport Stern, publié en 2006, ne disait pas autre chose. L’Australie le démontre, dans la douleur.
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