Le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), actuellement débattu au Parlement, donne aux coopératives d’habitants un cadre légal. Dans quel but ?
C’est un outil de cohésion sociale par l’habitat. Il s’agit de renouer avec la
notion de vivre-ensemble et avec le partage d’espaces collectifs. On répond
ainsi à un double besoin : construire des logements et proposer une alternative aux pratiques classiques. La France est en retard par rapport à la Suisse, où les coopératives représentent 8 % du parc immobilier. La loi permettra de donner un statut juridique solide aux projets en cours pour des associations qui devaient jusqu’à présent jongler avec les droits des sociétés. Il fallait être très motivé !
Cela va-t-il permettre de produire plus de logements ?
Je le pense. A Villeurbanne (Rhône), la coopérative du Village vertical (
Lire ici) montre que des gens veulent vivre de façon autonome en ville, dans une forte densité, en favorisant le lien social. La sécurité juridique de la loi va permettre d’accélérer les projets, et de séduire de nouvelles personnes, notamment des familles réticentes à l’idée d’attendre des années avant d’emménager.
Comment éviter que cet habitat ne crée des ghettos « bobos » ?
Nous ne cherchons pas à cultiver l’entresoi. L’exemple de Villeurbanne, inauguré en juin, est très intéressant, parce qu’il intègre des logements sociaux à l’habitat coopératif, dans lequel les occupants ne sont pas propriétaires de leurs logements, mais de parts sociales de la coopérative.
Des liens se sont ainsi tissés entre des gens qui ne se connaissaient pas et
n’étaient pas issus des mêmes milieux. La loi permettra aussi de développer des projets de coopératives dans le cadre du logement social. Et tout cela garantira des logements moins coûteux.
Les associations regrettent que l’objectif de lutte contre la spéculation ne soit pas obligatoire dans les statuts de la loi Alur…
Habicoop, notre partenaire dans l’élaboration du projet de loi, défendait ce
principe antispéculatif, auquel nous sommes attachés. Mais nous voulions
mettre à disposition une palette d’outils pour l’habitat coopératif. La réappropriation citoyenne de l’habitat passe également par le choix individuel : il ne pouvait s’agir d’imposer un modèle.
Des aides financières seront-elles accordées aux coopératives ?
Le statut juridique était un préalable nécessaire à l’épanouissement du secteur. Au delà, les enjeux financiers constituent le nerf de la guerre, et les collectivités se sont d’ailleurs déjà mobilisées. Le projet de loi ne comporte pas, en l’état, de dispositifs d’aides publiques en faveur de l’habitat participatif car ce n’est pas le véhicule législatif approprié. S’il faut
travailler sur cette question essentielle, je reste vigilante sur un point fondamental : l’aide publique doit être assortie de contreparties pour répondre à un motif d’intérêt général. Dans ce cadre, plusieurs pistes peuvent être avancées, notamment pour favoriser l’accès de ce secteur aux ménages modestes. Des aides à l’accession de type prêt à taux zéro renforcé pourraient ainsi être mobilisées pour ces projets, dans la limite actuelle
des plafonds de ressources. L’habitat participatif ne doit pas être un privilège,
ni constituer l’apanage de classes sociales aisées.
La loi Alur prévoit d’encadrer les loyers. Ne risque-t-on pas de détourner les investisseurs du logement ou de stabiliser ces loyers à un niveau trop élevé ?
Il faut remettre de la responsabilité dans les comportements. On connaît aujourd’hui une situation totalement déraisonnable. La flambée des prix a exclu des gens du logement locatif, mais aussi rendu difficile l’accession à la propriété. L’encadrement doit remettre le loyer à sa juste place, pour qu’il pèse moins dans les revenus des ménages. Contrairement aux loyers, les revenus des Français n’ont, en effet, pas augmenté de 40 % en dix ans ! Mais une baisse autoritaire de tous les loyers aurait été légalement compliquée à réaliser. Aujourd’hui, les loyers sont libres, nous avons fait le choix de les encadrer dans la durée. Nos études sur l’agglomération parisienne montrent que 33 % des loyers devraient baisser, ce qui est énorme. Les autres seront contraints.
Quelle leçon tirer des réquisitions des logements vides ?
Qu’il est essentiel que l’Etat affiche une volonté claire en la matière. Notre action a eu un effet dissuasif efficace, en poussant les propriétaires dont les logements étaient inoccupés à remettre les deux tiers d’entre eux sur le marché. Ensuite, elle a montré que les immeubles vides sont surtout des bureaux, plusieurs millions de mètres carrés en Ile-de-France ! Nous avons
donc pris des ordonnances pour favoriser les transformations de bureaux. On n’a plus besoin de trois places de parking par logement, ce qui aurait obligé à construire des parkings souterrains prohibitifs. Nous allons lancer un appel à projets en ce sens, à direction des bailleurs sociaux.
Les récentes mesures pour la rénovation thermique des logements sont elles suffisantes ?
Le gouvernement vise des objectifs ambitieux en matière d’économies d’énergie, notamment vis-à-vis des ménages souffrant de la précarité énergétique. Les primes de l’Agence nationale de l’habitat, le chèque de 1 350 euros, la TVA à 5 % sur les travaux de rénovation vont permettre
d’apporter une aide – parfois à hauteur de 80 % – pour les travaux ! Il fallait simplifier le processus : création d’une plateforme Internet, mise en place d’un numéro vert national… Mais on reste dans des dispositifs incitatifs et la question de l’obligation de travaux reste posée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du logement. —
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions