Maxime Combes est économiste, membre d’Attac France et auteur de Sortons de l’âge des fossiles (Seuil, 2015).
« C’est à Paris qu’est née la Révolution française, elle a changé le destin du monde. Faisons en sorte que dans deux cents ans, on puisse dire, c’est à Paris qu’il y a eu la révolution climatique. » Ainsi s’est exprimé François Hollande dans une interview au Parisien Magazine le 24 septembre dernier, positionnant les enjeux de la 21e conférence de l’ONU sur le changement climatique à un niveau d’ambition rarement entendu. Rien de moins qu’une « révolution » !
Il faut pourtant se faire à l’idée. La « révolution climatique » ne verra pas le jour au Bourget, lors de la COP21. Le nouveau texte de négociations, plus ramassé et rendu public par Laurent Fabius ce mercredi 9 décembre au soir, n’a rien de « révolutionnaire ». Au point qu’ONG, syndicats et mouvements ont tapé du poing sur la table ce mercredi après-midi pour mettre les Etats devant leurs responsabilités : puisqu’aucun Etat ne semble désireux d’améliorer significativement le projet d’accord, tenons-les tous comptables de ce manque d’ambition devant l’opinion publique mondiale.
Une plongée dans le texte de négociations, les yeux rivés sur les crochets et les options, tentant de déterminer celles qui ont été modifiées, reformulées ou repositionnées, n’a vraiment rien de commun avec les grands récits de notre riche histoire révolutionnaire. Au Bourget, ce ne sont pas les rois qui perdent la tête, mais le reste d’espérance des observateurs qui est décapitée au fur et à mesure que les Etats jouent avec notre futur comme ils joueraient au casino.
Une recette indigeste
Prenez des contributions nationales de réduction d’émission de gaz à effet de serre qui conduisent vers un réchauffement supérieur à 3°C. Ajoutez-y une pincée d’évaluation et un zeste non obligatoire de révision de ces engagements non contraignants. Saupoudrez le tout avec des financements incertains et de faibles engagements pour soutenir les pays les plus vulnérables. Invitez tous vos convives « en position de le faire » à rajouter les ingrédients de leur choix. Faites mijoter pendant de longues heures sans enlever le couvercle, sous peine de mauvaise surprise. Faites reposer longuement et ne servir qu’à une heure avancée de la nuit pour dissiper les attentes les plus enthousiastes. Goûter. Pas trop quand même. L’intoxication n’est pas loin. Malheureusement.
Les révolutions puisent leurs ferments quand le décalage entre la réalité vécue et les pratiques des puissants s’approfondit au point de devenir insoutenable. Dans les COP, et au Bourget en particulier, ce schisme de réalité est profondément ancré. On assiste à une climatisation rapide des discours d’un côté – rappelons-nous des envolées discursives des chefs d’Etat le 29 novembre dernier – qui se confrontent à l’incurie climatique des décisions politiques et économiques de l’autre. Ce décalage pourrait même devenir abyssal. Le texte évoque une limite du réchauffement global à 1,5°C quand les décisions prises par les Etats entérinent et planifient, en toute connaissance de cause, un réchauffement supérieur à 3°C et les crimes climatiques qui vont avec.
Comment enclencher une véritable révolution climatique ?
Dans le cas de la Révolution française, ce schisme de réalité a généré un soulèvement populaire, la décapitation du Roi, l’introduction de la République, l’abolition des privilèges et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Doit-il y avoir une décapitation et un changement de régime en matière de lutte contre le dérèglement climatique ? Le très renommé physicien allemand Hans Joachim Schellnhuber, fondateur en 1991 du non moins célèbre institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique, en est convaincu. En juillet dernier, lors de la conférence scientifique internationale « Common Future » organisée à l’Unesco, il a appelé à faire « imploser » l’industrie des énergies fossiles et les systèmes économiques basés sur leur combustion sans limites (1).
La COP21 et les Etats en sont incapables, notamment en raison de l’immixtion toujours plus grande des intérêts des multinationales privées dans le jeu climatique. C’est à nous de jouer. Si nous ne le faisons pas, qui d’autre le fera ? Nos lignes rouges ont été largement franchies. Rassemblons-nous, manifestons-nous, enchaînons-nous. Désobéissons face à l’état d’urgence climatique ! Dès le 12 décembre, dans les rues de Paris, pour rappeler quelles sont nos lignes rouges pour une planète vivable (action à midi) puis lors d’un rassemblement à 14 heures, sur le Champ de Mars, devant la tour Eiffel. A nous de jouer.
(1) The Guardian, 10 juillet 2015
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