Sortez les violons : les ventes d’albums accusent une chute de 16 % en France et de 8 % au niveau mondial (1). Le marché se partage entre quatre majors, un club composé de Universal Music, Sony BMG, EMI et Warner Music. Les sites de téléchargement n’ont pas encore prouvé leur rentabilité (2) et les indépendants survivent quand ils ne mettent pas la clé sous la porte… Un nouvel air souffle pourtant sur la filière, grâce à quelques acteurs se réclamant d’une musique équitable. « Cette famille regroupe à la fois des héritiers du rock alternatif des années 1980 et du mouvement punk », observe François Mauger, coauteur de La musique assiégée, d’une industrie en crise à la musique équitable.
Le premier de ces Petits Poucet, Gilles Mordant, directeur artistique de Fairplaylist est un quadra parisien d’1,80 m. Il évoque François Béranger et les Têtes Raides, milite pour une musique éthique, charte à l’appui, « au nom d’une diversité culturelle qui s’est perdue ces dix dernières années au profit d’artistes formatés ». Les quatre CD produits par l’association, avec carton recyclé, flexographie et colle sans solvants, ont permis de soutenir des artistes souvent RMIstes. Pour l’album Le son de Ménilmontant, diffusé à 1 200 exemplaires dans 55 points de vente équitables, les musiciens ont touché 12 % des recettes alors que la répartition habituelle ne dépasse guère 3 %. Fairplaylist partage chaque année ces valeurs à Paris, lors du festival de musique équitable de Ménilmontant.
Le deuxième visage de cette famille en création se trouve dans la banlieue grenobloise. Ambiance jazz et musique traditionnelle. Dyade Art & Développement produit et accompagne, depuis neuf ans, des musiciens français, catalans et marocains selon les mêmes principes. Cette « artisterie fine » compte cinq CD à son catalogue. « Nous avons une approche pragmatique par niche, et nous prouvons que notre projet est viable économiquement dans un plus grand respect des musiciens, si on joue la polyvalence, le partage des coûts avec d’autres organisations, les enregistrements à petits budgets et les subventions au nom de la diversité culturelle », insiste Nizar Baraket, son coordinateur.
Des marionnettes télévisuelles
Enfin, le troisième tenant se trouve sur Internet, au sein de plates-formes de téléchargement qui pensent à la rémunération des artistes tout en misant sur l’envol de la musique numérique. « Les sites comme deezer ne représentent pas une solution viable pour les musiciens. Ils constituent des catalogues en leur proposant des rémunérations ridicules », rappelle Jeff Caly, fondateur de fairtrade-music.com, qui adapte la production à la demande des internautes et milite politiquement contre tous les abus de la filière.Ces initiatives ne relèvent encore que d’une niche économique (5 000 exemplaires au maximum pour un album, 20 000 pages vues par mois pour Rollingbox). « La musique équitable n’existe pas encore mais ce serait bien qu’elle existe, résume l’auteur François Mauger. En théorie, elle offre un nouveau choix au grand public : une musique jouée par des marionnettes télévisuelles face à une musique réalisée selon des principes écologiques et équitables, reposant sur la confiance avec les musiciens. » L’outsider sifflote que son objectif n’est pas de devenir une major, mais de fédérer tous les acteurs au sein d’une même charte équitable, pour encourager ce mouvement. —
(1) Chiffres du Syndicat national de l’industrie phonographique et de la Fédération internationale de l’industrie phonographique de 2008, en comparaison avec 2007.
(2) Selon L’Etat des lieux 2009 de l’offre de musique numérique, réalisé par l’Observatoire de la musique.
POUR TELECHARGER DES MELODIES EQUITABLES
Depuis octobre 2008, il permet à plus de 1 000 artistes et labels indépendants de vendre leurs réalisations en ligne. Au programme : écoute gratuite de morceaux en streaming et mise à contribution des internautes pour préacheter des projets d’albums. L’album du compositeur Vincent Chambat – en carton recyclé et encres bio – a pu être édité grâce à l’apport de 60 fans.
CD et playlists sont vendus depuis 2004 sur cette plate-forme alternative en ligne. L’association cd1d a surtout tenu à se démarquer de la « culture business » en reversant 85 % de ses ventes aux artistes et aux labels. Elle regroupe 121 labels indépendants, plus de 1 000 artistes, et propose 15 000 titres en téléchargement payant et 2 000 disques.
Rollingbox joue, depuis juin 2009, la carte Nord/Sud en proposant un revenu décent aux musiciens et en reversant, à chaque téléchargement, 0,01 euro à l’association Ishpingo contribuant à la reforestation de l’Amazonie. Elle compte s’appuyer sur les bandeaux publicitaires et les partenariats avec des marques. Contrairement à Fair Trade, les artistes diffusés font l’objet d’une sélection stricte.
Photo : DR
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