Mise à jour le 14 mai 2014 : Le département du Nord travaille actuellement à la mise en place d’un réseau de cars qui emprunteraient la bande d’arrêt d’urgence sur une partie de l’autoroute entre Valenciennes et Lille. Cela permettrait ainsi aux habitants de la grande périphérie de Lille de rejoindre facilement le terminus du métro et pourrait leur éviter de prendre leur voiture. Des études techniques et de faisabilité devraient être lancées d’ici à l’été, précise La Voix du Nord dans son édition du 11 mai. |
Isolée, appauvrie, déclassée et tentée par le vote frontiste. Voilà le portrait de la « France périphérique », soit au moins 10 millions de Français qui vivent dans les nouveaux territoires de la ville, ces « espaces périurbains » toujours plus loin du centre.
Leur principale difficulté, c’est de se déplacer. La plupart des périurbains vivent loin des transports en commun et ne peuvent même pas envisager d’opter pour le vélo ou la marche. Du coup, on compte dans ces zones beaucoup plus de voitures que d’habitants et au moins 80% des déplacements se font assis derrière un volant.
Madrid, un modèle
Et si la solution pour ces habitants, c’était le car ? Non, on ne parle pas là des bus, qui roulent au pas et desservent les centre-villes. On parle bien des autocars, qui peuvent prendre l’autoroute et s’arrêtent peu, comme ceux qui conduisent les écoliers. Madrid a misé sur eux depuis quinze ans. Dans la capitale espagnole, pas moins de 350 lignes d’autocars circulent dans sa grande périphérie.
Plusieurs milliers de véhicules transportent ainsi chaque jour entre 40 000 et 100 000 personnes, soit 15% du trafic de la ville. Pour Simon Cohen, directeur de recherche à l’Ifsttar (Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux), « l’exemple madrilène est une réussite emblématique ». Son principal point fort ? « Le report modal. » En clair, les cars transportent les habitants de la périphérie vers les grandes gares du réseau de transport, où ils peuvent prendre le bus ou le métro et rejoindre le centre-ville facilement. Les usagers gagnent du temps et de l’argent, le tout pour un investissement public assez faible, estimé à 3,5 millions d’euros par kilomètre de ligne.
Cofiroute défend une alternative à la voiture
Et en France ? « Nous sommes très en retard sur tout ce qui concerne l’usage de la route pour autre chose que la voiture individuelle. Il n’y a pas d’équivalent de l’expérience madrilène en France », déplore Simon Cohen. Seules quelques expériences ont été menées pour l’instant (voir encadré).André Broto est directeur général adjoint de Cofiroute (Vinci autoroute). Devant le Medef, devant des journalistes (1) ou encore dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, il milite pour que la France imite la capitale espagnole. Le lobbyiste du car s’appuie sur des cartes élaborées par l’Insee (l’Institut national de la statistique et des études économiques) – que nous reproduisons ci-dessous – où l’on voit que le nombre de kilomètres parcourus pour aller travailler a considérablement augmenté à la périphérie des grandes villes. « L’autocar peut relier des petits bassins de vie éloignés à des zones comptant des milliers d’emplois et ce sans avoir besoin d’investir dans d’énormes infrastructures. Il répond à des besoins énormes », martèle-t-il.
Pourquoi cette société d’autoroute milite-t-elle pour que les automobilistes laissent leur titine au parking ? « Je suis convaincu que cela peut être créateur de valeur pour mon entreprise, répond André Broto, parce que la mise en place de lignes d’autocars peut nécessiter des aménagements sur le réseau autoroutier que l’Etat pourra récompenser en allongeant la durée de concession de l’entreprise, mais aussi parce que nous souhaitons penser à long terme, tenter de nous adapter aux besoins des gens et veiller à l’acceptabilité des péages. »
Un bénéfice durable
André Broto a demandé au cabinet d’étude Carbone 4 de se pencher sur sa proposition. Ce dernier a estimé que la création d’une quarantaine de lignes d’autocars périurbains permettant le transport de 60 000 personnes par jour aurait des conséquences considérables, pour un investissement évalué à 200 millions d’euros :L’économie de 15 à 20 centimes d’euros au passager par kilomètre. Soit au minimum 1 000 euros d’économie pour un couple sur une année.
L’économie de 70 000 tonnes de CO2, soit plus d’une tonne par actif ou encore 10% du bilan carbone annuel de chaque actif.
La réduction du déficit de la balance commerciale de l’Etat de 15 millions d’euros.
Le cabinet rêve même d’une offre de car pouvant transporter 2 millions de personnes. En créant là 60 000 emplois, en réduisant le déficit commercial de 500 millions d’euros… le tout pour un investissement de 5 milliards d’euros. Pour comparaison, c’est six fois moins que le projet du Grand Paris.
Seriez-vous prêts à renoncer à la voiture pour prendre l’autocar ? Dites-le nous dans les commentaires ci-dessous.
(1) Notamment aux entretiens de Savoie en septembre 2012
Encadré :
En France, trois expériences ont déjà été lancées :
- Une voie relie Dourdan (Esssone) aux gares RER de Massy-Palaiseau et d’Orsay . « Pour aller plus vite, les bus sont autorisés à rouler sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute A10. On y a aussi construit une gare autoroutière intermédiaire, à Bris-sous-Forges avec un parking pour voitures et pour vélo. Le succès est indéniable même si cela ne supprime pas la congestion autoroutière », décrypte Simon Cohen.
- Une autre voie similaire relie depuis une quinzaine d’années Mantes-la-Jolie (Yvelines) à la Défense, via l’A14, sans gare autoroutière.
- Une autre ligne a été lancée à l’ouest de Grenoble (Isère), sur l’autoroute A48. Sur cet axe surchargé, la bande d’arrêt d’urgence – appelée voie spécialisée partagée (VSP) – a été réservée sur 4 kilomètres aux cars. Selon Simon Cohen, l’expérience fonctionne et va être étendue. Seul bémol, « on ne compte qu’une seule ligne qui passe par ce tronçon de l’A48 et il est limité à 70km/h, voire 50km/h en période de forts ralentissements, si bien que le temps de parcours est à peine plus faible ».
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