Les Zapa calent au démarrage. Ces Zones d’actions prioritaires pour l’air, introduites par la loi Grenelle II en décembre 2010 et interdites aux véhicules les plus polluants, devaient être expérimentées dans sept grandes villes ou communautés de communes françaises en 2013, pour une durée de trois ans minimum. Mais elles ont un petit retard à l’allumage.
Bordeaux, Clermont Communauté, le Grand Lyon, Grenoble-Alpes Métropole, le Pays d’Aix, Plaine Commune (Seine-Saint-Denis) et Paris se sont portés volontaires pour tenter l’expérience, déjà en place dans quelque 160 villes européennes, et devaient remettre ce vendredi 13 juillet au ministère de l’Ecologie leur dossier de candidature. Delphine Batho leur a envoyé ce jeudi un courrier dans lequel elle indique vouloir « adapter le cadre » du dispositif.
Un dispositif « rigide et socialement injuste » mais qui ne sera pas suspendu
Tout en rappelant que « la pollution atmosphérique est responsable en France de près de 40 000 décès prématurés chaque année » et que la France « accuse toujours un retard important dans la mise en œuvre de la directive européenne sur la qualité de l’air 2008/50/CE », la nouvelle ministre propose de l’Ecologie d’adapter le dispositif Zapa qualifié de « trop rigide et socialement injuste » en l’état.
Contacté, le ministère de l’Ecologie et du développement durable explique qu’« il ne s’agit pas du tout de suspendre le dispositif » mais qu’il est trop tôt, en ce jour de rendu des dossiers de candidature, pour dire si les expérimentations vont débuter comme prévu en 2013 car « les villes ont demandé une remise à plat ». « Un groupe de travail sera prochainement constitué avec les collectivités volontaires pour examiner les difficultés qu’elles rencontrent et élaborer des plans d’action complets et applicables », ajoute le ministère. Pour le reste, notre interlocuteur peine à expliciter les propos de Delphine Batho.
Tout à la discrétion des communes
En quoi le dispositif est-il « trop rigide », alors même que le périmètre de la Zapa (un quartier, tout le centre ville, toute la ville voire sa périphérie) ainsi que les horaires et périodes d’accès ou d’interdiction à la zone sont laissés à la discrétion de la commune ? De même, « le choix des groupes de véhicules interdits dans la zone appartient à la collectivité locale à l’initiative du projet, sur la base d’un classement des véhicules défini par arrêté ministériel », peut-on lire sur le site du ministère.Cet arrêté, publié en mai dernier, établit une nomenclature de véhicules (du camion aux deux roues) en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques – sans toutefois prendre en compte leur niveau d’émission de CO2 -, de leur motorisation et de la date de leur première immatriculation.
Les pauvres aux portes de la ville ?
Sans grande surprise, ce sont les voitures les plus anciennes (immatriculées avant 1997) qui seront les premières boutées hors des Zapa. Et c’est là que le dispositif devient en effet « socialement injuste ». Car qui devra payer une amende de 68 euros pour être entré dans une Zapa au volant de sa vieille voiture, comme le prévoit un autre arrêté ?
Le petit vieux (ou la petite vieille) qui roule peu, entretient bien sa voiture, n’a pas d’accident et ne voit donc pas de raison de troquer sa bonne vieille Titine contre une plus récente, quand bien même il ou elle en aurait les moyens. Il y a aussi ceux qui empruntent les transports en commun la semaine et ne roulent que le week-end, pour faire des courses ou partir en vadrouille.
Et puis il y a tous ceux – et ils sont nombreux – qui ont besoin d’une voiture pour aller travailler mais dont le budget serré les empêchent d’en changer, même pour en racheter une d’occasion. Ces ménages modestes gardent donc leur moyen de transport le plus longtemps possible. « Ce sont bien à ces deux catégories de population que pense la ministre », explique-t-on au ministère.
Le Défenseur des droits saisi
Voilà bien un point sur lequel Delphine Batho et le président de L’Automobile Club Association sont d’accord. Un jour avant la ministre, soit mercredi, Didier Bollecker a envoyé un courrier aux élus des villes candidates pour leur rappeler que : « une Zapa implique des aspects antisociaux évidents », parmi lesquels il cite « une discrimination à l’égard des personnes ne pouvant acheter des véhicules neufs, notamment les ménages modestes et les jeunes », et « un coût du remplacement des véhicules pour les acteurs économiques (transporteurs, entreprises.) »
De son côté, la Fédération française des motards en colère annonce dans un communiqué daté de ce jeudi avoir « déposé un dossier auprès du Défenseur des Droits pour dénoncer cette mesure hautement discriminante. Et même si l’atteinte à un mode de déplacement ne fait pas partie des griefs retenus par cette autorité, nous affirmons que la discrimination par le rang social ne doit pas être institutionnalisée, ce qui sera le cas si les Zapa sont appliquées en l’état ».
Des villes candidates également sur la réserve
Les villes candidates pour tester les Zapa ont elles aussi fait part de leurs réserves. Une étude menée dans la ville de Grenoble a montré que ce sont surtout les jeunes et les ouvriers qui seraient touchés par l’interdiction de circuler dans le centre. « Nous n’avons pas encore assez d’alternatives à leur proposer », a expliqué au Journal de l’environnement Jacques Chiron, maire adjoint en charge des transports (PS), qui demande un report avant de remettre son dossier de candidature.
Le député-maire de Nice, Christian Estrosi (UMP), a même carrément retiré début juin sa ville de la liste des candidats en arguant du fait que « le dispositif est très compliqué, peu efficace et il est incompris d’une grande partie des gens qui le prennent comme une mesure discriminatoire à leur égard ».
Des bénéfices à la marge
Utiles les Zapa pour alléger l’atmosphère de nos villes ? Le hic c’est les véhicules les plus anciens sont généralement ceux qui roulent le moins. Donc retirer ces seuls véhicules ne permettrait pas de faire passer les niveaux de pollution atmosphérique sous les seuils réglementaires.
Toujours dans son rapport de 2009, l’Ademe relève que, dans les villes européennes où un tel dispositif a été mis en place sous l’appellation LEZ (Low emission zone), « les bénéfices qualité de l’air ambiant qui résultent [de l’instauration de telles zones et de la limitation de circuler des véhicules les plus polluants, ndlr] sont réels mais limités, de 1 à 4%, notamment compte tenu de la multitude des sources d’émission en zone urbanisée ».
Sans surprise, le moyen le plus efficace d’obtenir une amélioration sensible de la qualité de l’air est encore de proposer au plus grand nombre des alternatives à la voiture. C’est aussi la solution pour rendre les Zapa socialement acceptables.
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