Erratum : une erreur s’est glissée dans notre classement des régions les plus vertes. Le Limousin et la Corse ont été positionnés 1ers ex-aequo sur le critère de la qualité des eaux, avec un taux de zones vulnérables aux nitrates indiqué à 0%. Or ce taux n’est pas nul mais inconnu, car les données de l’Ifen (Institut français de l’environnement) ne sont pas disponibles pour ces deux régions. Nous avons donc refait nos calculs en excluant ce critère. Résultats : le Limousin passe de la 3ème place à la 7ème et la Corse de la 6ème à 11ème au classement général. Et ce sont les Pays de la Loire qui grimpent sur la 3ème marche du podium. Nous vous prions de bien vouloir nous excuser pour cette regrettable erreur et tenons à remercier les lecteurs qui nous l’ont signalée.
L’Hexagone a la banane. Une banane des régions les plus « développement durable ». Une banane verte qui traverse le pays depuis l’Armorique jusqu’aux Alpes, en passant par le vert Limousin et en intégrant une bonne partie du Midi. C’est la région Rhône-Alpes qui pointe en tête de ce palmarès inédit (retrouvez tous les résultats à la fin de cet article) grâce à son joli tir groupé : 3e en économie et 4e pour les catégories social et environnement. A quelques décimales du territoire présidé par Jean-Jack Queyranne, suivent les régions Midi-Pyrénées et Limousin. A l’autre extrémité du classement général, la Haute-Normandie, la Picardie, le Nord-Pas-de-Calais ou la Champagne-Ardennes font la soupe à la grimace. Elles traînent un bilan mitigé, quel que soit le domaine.
Globalement, les régions du Nord-Est de la France partent avec quelques handicaps. Les disparités naturelles, géographiques et historiques de chaque région se lisent en filigrane sur nos tableaux et nos cartes. Impossible, par exemple, d’observer un coucher de soleil sur un champ d’éoliennes en Bourgogne, en Alsace ou en Aquitaine. Logique, le vent n’est pas un compagnon très fidèle de ces territoires. Les régions qui ont opté pour des pratiques agricoles intensives après-guerre se retrouvent aussi en situation délicate du point de vue environnemental. La Bretagne en est un exemple emblématique. Idem pour le Nord-Pas-de-Calais, doublement pénalisé par un développement économique longtemps guidé par l’Etat et ancré sur des industries polluantes comme le charbon et la métallurgie.
« Banane verte »
Pas de quoi non plus dramatiser. Les écarts qui séparent le premier du dernier sont souvent faibles. Quelques critères varient toutefois du simple au triple, comme le nombre de chercheurs (2,89 ‰ en Ile-de France, 0,43 ‰ en Picardie), le nombre d’allocataires du RMI (10,47 ‰ en Bretagne contre 28,75 ‰ en Languedoc-Roussillon), ou encore la part des espaces protégés (4,31 % en Haute-Normandie, contre près de 40 % en Paca). Prenons un peu de recul. Cette « banane verte » qui nous sourit nous renseigne-t-elle sur les efforts fournis par les équipes en place ? Pas vraiment. Le Nord-Pas-de-Calais a beau se traîner en queue de peloton, en 19e position, c’est pourtant la première région de France à avoir créé un parc naturel régional et aussi la première à s’être engagée dans un plan de développement durable. « A l’époque, en 1994, on parlait de “développement global”, souligne Antoine Charlot, responsable du programme Territoires durables au sein du Comité 21, association chargée de dynamiser les agendas 21 des collectivités locales. Les politiques de développement durable sont généralement plus avancées dans ces régions défavorisées que dans celles du Sud, car la situation l’imposait et on a pris le problème plus tôt à bras-le-corps. »Jetons maintenant un coup d’œil sur les budgets. Par exemple, celui de la protection de l’environnement. Première surprise : le Limousin, où les vaches sont plus nombreuses que les habitants, est la région qui consacre la plus faible part de son budget – 0,8 % en moyenne sur les cinq dernières années – à l’environnement. A l’inverse, l’Ile-de-France, au territoire très artificialisé, y consacre 4,2 % de ses ressources. Moralité : quand l’espace naturel est limité à peau de chagrin, on met le paquet pour le préserver. Restons sur ces enveloppes dédiées à l’environnement. Preuve du dynamisme des régions, elles ont systématiquement progressé – en moyenne de 10 % chaque année de 2005 à 2009 dans toute la France – profitant de la hausse générale des budgets régionaux (et des impôts). En 2009, la part financière des régions consacrée à l’environnement s’élevait en moyenne à 2,2 % de leur budget total, soit plus de 560 millions d’euros.
Ce pactole peut sembler chiche, comparé aux 20 milliards de budget annuel du ministère du Développement durable et aux sommes annoncées lors du Grenelle de l’environnement. Trompe-l’œil ! Il ne s’agit là que de la partie émergée de l’iceberg et la seule aisément quantifiable. Car l’environnement, comme le social, sont dorénavant intégrés à tous les étages de la maison Région. Le lycée Haute qualité environnementale Eric- Tabarly, construit à Olonne-sur-Mer en Vendée (Pays de la Loire) relèvera, par exemple, du budget des lycées. Idem pour un train express régional (TER). D’ailleurs, ne faut-il pas intégrer le budget transport, qui représente – fonctionnement et investissements confondus – plus de 20 % du budget total des régions, dans leur politique de développement durable ? L’idée se défend. Pas facile en fait de délimiter le périmètre. Quand on leur demande quelle part de leur budget ils consacrent au développement durable, les conseils régionaux – bien embêtés par nos questions saugrenues – répondent dans un acrobatique grand écart : 20 % pour le Limousin, 60 % pour Paca ou Midi-Pyrénées, et même 100 % selon la direction de l’environnement de la région Bourgogne. 100 % ? L’affirmation est osée. Mais si l’on faisait la somme de tous les projets engagés depuis cinq ans qui relèvent du développement durable, le résultat final serait sans doute renversant. En effet, il y a bien un autre Grenelle en marche, celui des régions – et plus largement des collectivités locales – plus silencieux, moins médiatique, mais tout aussi transformateur de nos vies.
Fracture écologique
Alors quoi, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes possible ? Pas d’optimisme béat. Qui dit développement durable dit capacité à se projeter dans vingt, trente ou quarante ans. Et « toutes collectivités confondues, ce n’est pas le cas, tempère Antoine Charlot. Si les régions luttent contre les émissions de gaz à effet de serre ou ont adopté des Plans climat territoriaux, elles en sont encore au balbutiement pour ce qui est de s’adapter aux effets du changement climatique. » Effets pourtant prévisibles sur le tourisme ou l’agriculture, comme le déplacement de la viticulture en Aquitaine (lire aussi Terra eco n°4, juin 2009). Trop souvent aussi, ces territoires sont victimes d’un « syndrome de la vitrine ». Plutôt qu’une politique de soutien à l’économie sociale et solidaire, les élus placent surtout en exergue de belles technologies – énergies renouvelables en tête –, des bâtiments ou des écoquartiers qu’ils ont subventionnés, oubliant parfois que ces réalisations ne sont pas accessibles à tous, et que si l’on n’y prend garde, il faudra bientôt soigner la « fracture écologique » ouverte entre « bobos » et citoyens plus modestes.Nous n’en sommes pas là, et il convient de saluer la transformation en cours. Les régions, quasiment toutes présidées par la gauche depuis 2005 (sauf l’Alsace et la Corse), n’ont pas voulu être en reste par rapport à l’offensive lancée par Nicolas Sarkozy avec le Grenelle de l’environnement. C’est peut-être une partie de l’explication de leur élan vert. Mais quelle que soit l’issue du prochain scrutin, la transformation va se poursuivre. Les régions constituent le maillon fort entre l’Etat, les communes et les départements. Elles jouent un rôle de levier sur le plan financier et technique. Elles ont compris depuis longtemps – et l’issue de Copenhague ne leur a pas donné tort – qu’il ne fallait pas tout attendre des Etats. Et que les initiatives locales comptaient tout autant pour garder la banane. —
METHODOLOGIE
Impossible de s’en tenir au seul PIB par habitant pour traduire le développement, surtout durable, d’une région. L’indice est aujourd’hui contesté par les économistes pour son incapacité à traduire la richesse des territoires, comme en témoignent les récents travaux de la commission Stiglitz. Alors sur quels critères s’arrêter ?
Le CES (Conseil économique, social et environnemental) planche aujourd’hui sur 45 critères du développement durable ; Terra eco en a retenu 21. Soit 7 pour chacun des trois piliers du développement durable ; l’écologie, l’économie et le social. Pourquoi 21 ? Notre point de départ : les travaux menés par des chercheurs de l’Université de Poitiers sur un indicateur du développement durable des régions (IDDR). Nous les avons complétés par quelques critères retenus par l’Observatoire des territoires ou l’Institut français de l’environnement. Notre classement final résulte de la moyenne des trois grands classements thématiques. Chacun a été traité de manière indépendante, et chaque critère s’est vu attribuer une pondération égale. Les données les plus anciennes datent de 2000, les plus récentes de 2009. Une grande partie provient du recensement 2006 de l’Insee. Il existe parfois des chiffres plus récents à l’échelle d’une région, mais l’obligation d’harmoniser les sources nous a contraints à les ignorer. Enfin, toutes nos excuses aux citoyens des DOM-TOM : les données faisaient trop souvent défaut pour faire figurer ces régions sur notre photographie finale. —
Précisions
Natura 2000 : réseau de sites naturels visant à préserver les espèces et les habitats menacés et/ou remarquables sur le territoire européen.Pollution de l’air par l’ozone : selon l’indice ATMO qui mesure le dioxyde de soufre, les poussières, le dioxyde d’azote et l’ozone.
Revenu par habitant : il s’agit du RDB (revenu disponible brut) moyen des ménages ramené par habitant et exprimé en euros.
Écart de revenus : d’après le rapport interdécile D9/D1 de la distribution des revenus fiscaux utilisé par l’Insee pour mettre en évidence les disparités entre les plus riches et les plus pauvres.
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